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bête qui, elle, au moins, défend et protège la chair de sa chair.

Ne vit-on pas, pendant la guerre, des femmes dénoncer leur fils ou leur mari déserteur ? N’en vit-on pas d’autres, en apprenant qu’un être cher venait d’être tué au front, éprouver un sentiment de fierté et tenir à honneur d’être la mère ou la compagne d’un « mort pour la patrie » ?

L’honneur ? Si un pauvre diable dérobe un pain pour se nourrir, il est déshonoré. Si un financier extorque plusieurs millions, même en ruinant sa clientèle, il sera taxé de « banquier de génie » et se verra comblé d’honneurs !

« L’honneur tient dans l’carré d’papier d’un billet d’mille », écrivait un jour Gaston Couté. Ce n’est pas là une boutade de pamphlétaire. L’homme qui possède une fortune peut se permettre tous les actes vils ; s’il obtient en résultat l’augmentation de son capital, il verra, en même temps, s’accroître ses droits à la considération de ses contemporains.

On couvre d’honneurs un général meurtrier, un politicien sans vergogne qui est un des responsables de massacres humains ; un mercanti qui s’est enrichi en vendant de la marchandise avariée ; un financier qui ne doit sa fortune qu’à de louches spéculations ; un grand usinier qui exploite durement ses ouvriers, les brime et ne leur accorde qu’un salaire de famine ; un flic qui s’est distingué par sa sauvagerie dans la répression ; un gouverneur de colonie qui fait massacrer impitoyablement les indigènes ; un soldat parce qu’il a exterminé un grand nombre d’ « ennemis ».

Mais les savants, mais les artistes auront toute leur vie une misérable existence et on attendra qu’ils soient morts à la peine pour les couvrir d’ « honneurs » ! Mais le mineur qui risque chaque jour le grisou, mais le marin qui court journellement le risque du naufrage, mais l’ouvrier qui peine de sa prime jeunesse à son extrême vieillesse pour enrichir le monde du produit de son travail, — tous ceux-là n’ont pas droit aux honneurs, ce sont des êtres de la « basse classe » dont on se sert en les méprisant. Il n’y a pas encore bien longtemps qu’on aurait fait rire les gens de la « haute société » si on leur avait dit qu’un ouvrier avait un cœur et un cerveau comme eux !

L’honneur d’une femme ! N’est-ce pas à éclater de rire en pensant qu’une femme qui, en dehors du mariage, se livre à l’acte d’amour est considérée comme ayant perdu son « honneur »… ! N’est-ce pas Montaigne qui disait : « Ah ! Vous avez trouvé une drôle de place pour loger l’honneur d’une demoiselle ! » La fille-mère n’est-elle pas encore une source de « déshonneur » pour sa famille… et tout cela parce qu’elle n’a pas sollicité le concours du maire pour aller coucher avec l’élu de son cœur ! L’honneur ? Quelle vaste blague ! Ne vit-on pas un Alexandre Millerand, renégat, parjure, escroc de l’État pour près d’un milliard dans la liquidation des biens des Congrégations ; ne vit-on pas cet homme, qui est vraiment le symbole de la vilenie, de la malhonnêteté, grand maître de l’ordre de la Légion d’ « honneur » ! Et cette légion d’ « honneur » n’est-elle pas accordée qu’aux massacreurs, qu’aux financiers spéculateurs, qu’aux politiciens sans scrupule, qu’aux commerçants détrousseurs, qu’aux plumitifs menteurs et asservis aux puissances d’argent ? L’honneur n’est qu’un prétexte à tous les crimes ; c’est le mot avec lequel on fait marcher les foules ; c’est le mot vide de sens qui rend le cœur humain inaccessible à la pitié et même à l’affection véritable ; c’est au nom de l’honneur que l’on fait s’entretuer des gens qui ne se connaissaient pas la veille ; c’est un mensonge odieux et criminel. Défions-nous de ceux qui nous parlent d’honneur : ce sont des gens qui en veulent à notre vie ou à notre bourse. Reléguons ce mot à l’endroit où Villon accrochait les lunes mortes. Soyons bons et fraternels

et, pour ce faire, rejetons loin de nous ce mot : honneur, source de haine, de meurtre et de méchanceté ; vocable qui ne peut avoir place que dans la bouche d’un fou ou d’un criminel. — Louis Loreal.


HÔPITAL n. m. (du latin hospes, hôte). Établissement où l’on soigne les malades. Le principe fondamental de l’hôpital était la gratuité ; et ce fut surtout pour la classe pauvre qu’on créa cet établissement. Le prix coûteux des médicaments et des visites médicales, l’impossibilité de s’entourer de l’hygiène et des soins nécessaires à domicile étaient, pour l’ouvrier, une grande cause de misère et de mortalité. Aussi l’hôpital fut-il créé, dans lequel quiconque, assez gravement malade, sollicitait son admission, était soigné gratuitement.

A côté du service hospitalier proprement dit fonctionnait le service des consultations médicales gratuites. On peut affirmer, sans risquer de démenti, que le principe de gratuité qui présida à la fondation des hôpitaux a presque totalement disparu. Très peu de malades ont droit à l’hospitalisation gratuite. Pour jouir de cette « faveur » il faut se munir d’un véritable amas de certificats et d’attestations de toutes sortes prouvant la situation d’indigent. Dans certaines villes de province le candidat à l’hospitalisation doit verser une caution, sans quoi il lui faut attendre que la municipalité soit certaine de son indigence pour qu’il soit soigné. Un individu, dénué de tout argent, qui serait, alors, en proie à une attaque exigeant des secours médicaux immédiats, se verrait refuser l’entrée de l’hôpital, s’il n’est pas muni de ces certificats de pauvreté, et comme il faut au moins 24 heures à l’administration pour faire son enquête et son rapport, le malade risque fort d’être passé de vie à trépas au moment où son admission est accordée.

A Paris, des ouvriers ayant été soignés à l’hôpital, se sont vus réclamer, sous menace de saisie par huissier, une indemnité de 25 francs par journée de traitement. Même les simples consultations médicales ont été taxées à cinq francs, ce qui est un véritable scandale.

Jusqu’en 1906, c’étaient des religieuses qui avaient la charge de gérer les hôpitaux. Depuis cette époque, date de la loi de Séparation des Églises et de l’État, la direction en est passée à l’administration de l’Assistance Publique et, en principe, c’est un personnel laïque qui remplit les emplois d’infirmiers. Néanmoins il existe encore beaucoup de villes en province où les religieuses ont été maintenues en fonction.

La plus grande partie du budget étant consacrée soit aux réparations ou aux indemnités des dommages de la guerre, soit à l’armée et à la préparation de la prochaine « dernière », l’État pensa tout naturellement à prendre une partie des dépenses occasionnées par les apprêts bellicistes sur les crédits des hôpitaux. Au lieu de moderniser ces établissements, de leur procurer les derniers perfectionnements de la Science, de transformer en bâtiments hygiéniques les vieilles bâtisses sales et lépreuses, d’agrandir les hôpitaux qui deviennent insuffisants pour les besoins de la population, l’État refuse impitoyablement tout nouveau crédit au budget hospitalier.

Ce manque continuel de crédits, l’exiguïté et la vétusté des locaux, les conditions d’hygiène véritablement révoltantes dans lesquelles travaille le personnel hospitalier, toutes ces choses font que les malades sont soignés en dépit du bon sens.

Dans certaines villes de province le service d’ambulance est tout à fait illusoire. C’est ainsi qu’à Orléans, notamment, en 1928, il est impossible de pouvoir transporter deux malades à la fois à l’hôpital, une seule voiture ambulancière existant (et encore, quand elle n’est pas en réparation !)

On récrimine souvent contre le personnel — et c’est à grand tort. Il faut affirmer qu’un véritable dévouement