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mûres c’est certain, et qui le tentent. Nous ne reprochons pas à cet éducateur de ne pas avoir mis à la portée de l’enfant tout ce qui pourrait plaire à ce dernier : raisins verts, etc., puisque tout ce qui plaît à l’enfant, qu’il s’agisse d’aliments ou d’activités, n’est pas utile à son développement et peut même y être nuisible.

L’art de l’éducateur consiste pour une partie à éviter que l’enfant ne se trouve placé en face d’occasions défavorables : il ne faut pas lui fournir l’occasion de manger des aliments malsains, ni de faire des bêtises. Il consiste aussi à fournir à l’enfant des occasions utiles. Or, tout comme l’éducateur dont nous parlons, — qui, en fait, permet à l’enfant de manger des poires pas mûres mais lui interdit de bonnes groseilles, — Mme Montessori n’a pas su choisir les occasions, elle les a fixées en tenant compte des programmes officiels et de ses conceptions personnelles, mais non d’après les intérêts utiles des enfants.

Sans autant de réclame, les pédagogues de Bruxelles qui s’inspirent de la méthode Decroly : J. Deschamps, Mlle Monchamp, L. Dalhem, ont fait faire de grands progrès à l’emploi des jeux éducatifs. On en peut dire autant de ceux ou de celles qui participent à la vie de l’Institut Jean-Jacques Rousseau, à Genève : A. Descœudres, E. Duvillard, M. Audemars et L. Lafendel. Il serait juste d’ajouter à ces noms un bon nombre d’institutrices modestes, de France et d’ailleurs.

Actuellement, on s’efforce d’utiliser de moins en moins le matériel abstrait, de réduire les frais occasionnés par l’achat de matériels coûteux, en utilisant des produits naturels : pierres, plantes, etc., des déchets ou des objets hors de service : petits morceaux d’étoffe, etc. (que l’on ne cloue pas, comme il a été imprimé par erreur page 688, mais que l’on classe d’après leur couleur, etc.).

On s’efforce d’offrir aux enfants des jeux éducatifs qui ne soient pas des amusettes et présentent un but utile.

Malheureusement ces efforts méritoires ne s’étendent qu’exceptionnellement aux enfants de plus de six ans, le travail reste une corvée, on ne réussit pas à allier la joie du jeu au sérieux du travail.

Les causes en sont multiples. D’abord les programmes d’enseignement surchargés, les examens qui obligent à acquérir un savoir hâtif mal assimilé, parce que trop abondant, parce que ne répondant pas aux intérêts des enfants et incapable de faire naître aucun intérêt. Ensuite un mauvais groupement des matières du programme et un horaire mal conçu. Enfin des maîtres mal préparés, pour la plupart, à la rénovation de l’enseignement qui pourrait résulter de l’emploi des jeux éducatifs, des méthodes actives et de la libération progressive de l’enfant. Nous disons : pour la plupart, car il est des exceptions, et lorsque l’on lit les revues scolaires on constate bien souvent que les maîtres primaires donnent assez souvent un exemple d’initiative à leurs chefs. Ceci est d’autant plus méritoire que l’emploi des jeux éducatifs, des méthodes libérales, nécessite un matériel qu’ils doivent souvent confectionner eux-mêmes, ce qui ne va pas toujours sans surmenage.

Cependant, de plus en plus, les maîtres s’efforcent de motiver l’étude aux yeux de l’enfant, parfois des erreurs sont commises. C’est le cas lorsque le jeu imaginé accapare tout l’intérêt au détriment de la connaissance à acquérir, certains problèmes amusants présentent cet inconvénient, il en est de même des expériences dites de science amusante qui amusent les enfants mais ne leur enseignent pas la science et ne forment pas leur esprit d’une manière scientifique.

N’oublions pas qu’il faut moins instruire l’enfant que lui fournir l’occasion de s’instruire, moins lui donner des jouets, éducatifs ou non, que l’occasion de jouer. Ce qui importe c’est de l’amener, petit à petit, de l’activité désordonnée et sans but, qui est le jeu, à l’activité

librement choisie et joyeuse mais ayant un but précis, fixé d’avance, auquel l’activité est subordonnée, qui est le travail. — E. Delaunay.


JEÛNE n. m. (lat. jejunium, de jejunus, vide). Ce mot s’applique à toute abstinence d’aliment, et même, par extension, d’une catégorie d’aliments. On peut en étendre l’acception à toute autre abstinence ou privation : ne pas pouvoir lire est un véritable jeûne pour l’esprit. Privé de tout divertissement, le détenu, et surtout le prisonnier condamné au régime de l’isolement, subit le jeûne de toute récréation. Le jeûne est volontaire ou imposé, consenti ou subi. On peut le qualifier de volontaire ou consenti, lorsqu’il est une pratique religieuse, un acte de dévotion qui consiste à s’abstenir d’aliments par mortification et pour se conformer aux enseignements de la religion. Il peut être également volontaire — comme on le verra plus loin — par mesure d’hygiène et dans un dessein d’équilibre physique… Jusqu’à nos jours, le jeûne religieux fut de beaucoup le plus important. « On trouve, en effet, le jeûne à l’état de loi religieuse chez tous les peuples de l’antiquité qui attribuaient à sa pratique une vertu spéciale. Les prêtres égyptiens, pour se prémunir contre le danger de l’intempérance, s’abstenaient de chair, d’œufs, de lait et de vin ; ils ne mangeaient que du riz et des légumes préparés avec de l’huile. Les Phéniciens, les Assyriens avaient aussi leurs jeûnes sacrés. Chez les Perses, les mages de la classe la plus savante ne mangeaient que des légumes et de la farine. Chez les Indiens, les gymnosophistes, les brahmanes ordinairement ne se nourrissaient qu’avec les fruits des arbres qui croissaient sur les bords du Gange ou avec du riz et de la farine apprêtée. En Crète, les prêtres de Jupiter s’abstenaient de la chair, du lait et de tout ce qui était préparé au feu. Chez les Grecs, les prêtres de Cérès s’abstenaient de chair et de fruits. Chez les Romains, Numa observait dès jeûnes périodiques. Il y avait aussi à Rome des jeûnes réglés en l’honneur de Jupiter. Les Chinois ont aussi observé dans tous les temps divers jeûnes pour préserver leur pays des stérilités, des inondations, des tremblements de terre et autres malheurs. Dans plusieurs contrées, les prêtres des idoles n’offraient de sacrifices qu’après s’y être préparés par la continence et par le jeûne. En général, les païens jeûnaient avant de consulter les idoles. La veille du sacrifice que l’on offrait à Cérès, personne ne mangeait qu’après le coucher du soleil. Ceux qui voulaient être initiés aux mystères d’Isis s’abstenaient pendant dix jours de chair et de vin… L’obligation du jeûne est à chaque instant enseignée dans l’Ancien Testament, de même dans le Nouveau. Tous les prophètes jeûnèrent avant d’entreprendre une mission. L’Évangile raconte que le Christ jeûna pendant quarante jours et quarante nuits dans le désert, pour se tenir à l’abri des tentations. Cet exemple devint une loi pour les apôtres, leurs disciples et pour les Pères de l’Eglise. Les anachorètes abusèrent tellement du jeûne qu’ils arrivèrent la plupart du temps à rester sous le coup de leurs hallucinations (car le jeûne excessif, surtout dans l’état d’exaltation mystique, arrive à produire l’hallucination) et à prendre leurs délires pour des visions ou des révélations. » (Lachâtre).

Les mahométans ont le jeûne du Ramazan (ou Ramadan) qui est, selon les années, de vingt-neuf ou de trente jours. Ils s’abstiennent de toute nourriture, solide ou liquide, du lever au coucher du soleil. Ils y sont tous soumis, quels que soient d’ailleurs leurs âges, leur sexe et leur rang ; mais par contre, ils mangent pendant la nuit. Les malades sont obligés de jeûner après leur rétablissement. Dans l’Église grecque, le jeûne est prescrit le mercredi et le samedi de chaque semaine et s’observe également 40 jours avant Noël, 40 jours avant Pâques, de la fête de la Trinité à la saint Pierre et du