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et le journal Der Atheist. Un ancien moine, Hans Ammon, devenu un éloquent propagandiste de la libre-pensée, publie un petit journal appelé Des Lichtbringen (le porte-lumière ou Lucifer). Sa propagande se fait sentir en Bavière, son pays natal, où il a été exposé à de dures persécutions.

En Tchécoslovaquie paraît en allemand un bon journal allemand, le Freie Gedanke, où écrivent des hommes de talent comme le professeur Drews (auteur du Mythe de Jésus) et le professeur Hartwig de Bruno en Moravie. Ainsi l’Allemagne dame le pion à la libre-pensée des autres pays.

L’Autriche qui, sous l’empire des Habsbourg, était soumise au joug de l’Église romaine, se relève à présent. Un journal Der Freidenker (qu’il ne faut pas confondre avec les journaux du même nom publiés à Berlin et en Suisse), paraît à Vienne et fait une propagande remarquable. Il en est de même de Der Atheist. Les anarchistes ont un organe excellent Erkenniniss und Befreinug, à tendances franchement libres-penseuses. Il publie de beaux ouvrages antimilitaristes, etc. La Ligue libre-penseuse d’Autriche s’occupe trop de politique, selon moi, et nuit ainsi à la cause de la libre-pensée. Néanmoins, l’activité des organisations de la libre-pensée en Allemagne et en Autriche est surtout dirigée vers le mouvement de Confessionslos (des sans confession ou mieux sans religion). En Allemagne, en Autriche et même à Zurich, en Suisse, quiconque cesse de vouloir appartenir à une Église, doit faire officiellement la déclaration de sa sortie de l’Église. Il y a déjà eu plus d’un million de ces renonciations à la religion. Il va sans dire que les autorités locales font tout ce qu’elles peuvent pour empêcher ce mouvement qui diminue les recettes du clergé. Grâce à ce mouvement, les enfants des Confessionslos ne sont plus forcés d’assister aux leçons de religion, excepté dans quelques États allemands.

En Angleterre il y a trois grandes associations : l’Association de la Presse rationaliste, qui a pu, grâce aux legs généreux qu’elle a reçus, acheter une grande maison en plein district des libraires et y publier un grand nombre de livres libres-penseurs à bon marché, sans parler de son journal The Literary Guide. Son activité littéraire se fait sentir dans tous les pays où l’on parle anglais. The National Secular Society, fondée par le remarquable propagandiste libre-penseur, Foote, continue la publication du Freethinker (Le Libre-penseur), journal plus énergique que le Literary Guide. Son rédacteur en chef Chapman Cohen a publié de nombreux volumes comme Essais en libre-pensée dont trois tomes ont paru. Le Matérialisme réexposé, etc., etc. Le Freethinker organise dans toutes les grandes villes des conférences, des colloques entre croyants et rationalistes. La National Secular League avait, il y a quelques années, des roulottes où des propagandistes allaient par toute l’Angleterre, s’arrêtant sur les places publiques des villes et des villages pour faire des conférences contradictoire sur la religion. De très nombreux adhérents à la libre-pensée ont été gagnés de cette façon.

L’Ethical Society (Société éthique) a des orateurs de choix qui s’adressent plutôt aux classes intellectuelles, aux instituteurs qu’au peuple même. Les Comtistes qui ont eu des écrivains de premier ordre comme Congreve, Frédéric Harrisson ; etc., font moins parler d’eux depuis la mort de ces leaders. Il existe pourtant une église de l’humanité où l’on fait des discours sur la politique positiviste, etc. Mais ce groupement a peu d’influence.

Aux États-Unis le mouvement libre-penseur est très énergique. Les organisations comme l’Association rationaliste américaine, l’A. A. A. A., association améri-

caine pour l’avancement de l’athéisme, la ligue rationaliste de Washington, etc., etc., luttent avec force contre l’obscurantisme qui, dans certains États, a fait voter des lois interdisant sévèrement d’enseigner la théorie darwinienne de l’évolution. Dans l’État d’Arkansas, l’un de ceux qui possédaient le système de l’initiative emprunté à la Suisse, le peuple a voté une pareille loi défendant d’exposer les théories scientifiques modernes qui peuvent ébranler la foi à la création d’après la Bible. Le président des A. A. A. A. a été emprisonné en 1928, avant même le vote de la loi, pour avoir ouvert une boutique où l’on aurait vendu des ouvrages libres-penseurs. Auparavant un grand orateur, Ingersoll, a pu publier une attaque contre la création sous le titre Les Erreurs de Moise. On a élevé une statue à Ingersoll qui fut même candidat à la présidence des États-Unis. A présent on emprisonne un athée parce qu’athée ! Un des plus remarquables journaux libres-penseurs qu’il y ait au monde est le Trussi Seeker, qui a célébré, il y a quelques années, le cinquantenaire de sa fondation.

En Hollande, où pendant longtemps l’ex-pasteur Domela Nieuwenhuys rédigea le Dageraad (l’Aurore), le mouvement s’est un peu ralenti, mais il compte encore des représentants de valeur. Les Flamands publient à Anvers De Tribuun (la Tribune), un bon journal. En Belgique où est le bureau central de la Fédération internationale, il y a quatre journaux : La Pensée, La Raison, Le Penseur, et Le Matérialiste, organe de l’Association prolétarienne. — G. Brocher.

M. J.-M. Robertson vient de publier une monumentale histoire de la Libre-Pensée au xixe siècle (History of Freethought in the nineteenth Century, chez Watts et C°, à Londres). Aucun ouvrage de cette envergure n’existe dans d’autres langues. De très beaux portraits des principaux libres-penseurs ornent ce remarquable volume. On y trouve entre autres les portraits des écrivains suivants, avec des études sur leurs œuvres : Bentham, Thomas Paine, Laplace, Strauss, Herbert Spencer, Colenso, G. Holyoake, Darwin, Bradlaugh, Renan, Huxler, Shelley, A. Comte, Proudhon, Rab. Owen, Grote, Ch. Lamb, Emerson, Geddes, Baur, Feuerbach, Büchner, Bain, H. Martineau, George Eliot, Leopardi, Heine, Haeckel, Fylor, Morley, Ingersoll, Guyau, Kuenen, Taine, Lange, etc. Cette liste embrasse la plupart des noms connus sur le continent. Il en est d’autres dont la réputation est limitée aux pays anglo-saxons.

L’ouvrage de Robertson fera bien comprendre le mouvement libre-penseur dans tout le monde au xixe siècle.

Un chapitre très intéressant est consacré à Thomas Paine, un peu oublié en France, quoique son âge of Reason, commencé dans sa prison à Paris, où il avait été arrêté à cause de ses idées antireligieuses, ait eu malgré son déisme, une immense influence. Ce livre est constamment réédité. Sa tombe, à New Rochelle aux États-Unis, est un lieu de pèlerinage pour les libres-penseurs.

Robertson s’étend sur la vie et l’activité sociale de Robert Owen, de même que sur la pléiade d’écrivains éminents qui, depuis le commencement du siècle, ont illustré la pensée libre en Angleterre et en Amérique.

Le 5e chapitre, avec la belle gravure de Laplace, est consacré aux sciences naturelles avant Darwin, tant en France, qu’en Allemagne et en Angleterre, puis nous lisons la critique biblique jusqu’à Baur, la réaction en Allemagne et en France ; Feuerbach, I. Büchner, ouvrent de nouvelles voies à la pensée philosophique dans leur pays. Herbert Spencer profond philosophe, anarchiste bourgeois, est aussi un grand libre-penseur.