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succombe et il succombera de nouveau tant que durera l’accès.

En pathologie mentale, lucidité ne marche pas de pair forcément avec conscience. On peut être conscient d’un état sans porter sur cet état un jugement conforme à la vérité. Voici un aliéné qui s’expose avec tout le comportement d’un potentat ou d’un grand de la terre. Il a une conscience tellement nette de son cas qu’il en discute avec une puissance curieuse de raisonnement. Il accumulera toutes les raisons, bonnes et surtout mauvaises, de vous convaincre qu’il est milliardaire quand il n’a pas un sou ; il étalera sa puissance à l’aide de mille signes extérieurs. Il est conscient mais il n’est pas lucide, car il se trompe et vous seul le savez.

Sur le terrain de la psychologie normale les deux vocables conscience et lucidité sont du reste en parfaite concurrence. Car personne n’est en possession de la vérité qui est toujours relative, et le signe de la certitude est toujours introuvable.

Il y a chance seulement d’effleurer un peu plus de vérité, si l’on se soumet à la discipline très dure qui consiste à objectiver ses jugements. Le malheur est que la plupart des hommes qui tout naturellement naissent subjectifs, restent fidèles à la méthode subjective et s’en rapportent à eux comme étalons de vérité. C’est burlesque et cette façon de raisonner entraine chaque jour les plus étranges conflits.

Pour être lucide, ou tout au moins, pour être sur la voie d’un peu plus de lucidité, il faut rechercher une commune mesure si conventionnelle qu’elle puisse être un type étalon, auquel on rapporte ses jugements Où sont les critères, où est la collection de critères qui permettront à l’homme de se rapprocher de l’absolu ? Il y a encore du travail pour les psychologues. — Dr Legrain.


LUMIÈRE n. f. (du latin lumen, rad. lux, même sens, ou bas latin luminaria). Agent qui produit chez les animaux pourvus d’yeux, la sensation de la vision ; cause de la visibilité et de la coloration des corps. Eclat particulier des corps incandescents qui permet de distinguer les objets placés dans leur rayonnement ; la lumière des astres, de l’électricité, etc. Flambeau, jour (expression métaphorique qui prend ici la cause pour l’effet). Désigne aussi, poétiquement, la vie « Pourquoi, a écrie Châteaubriand, la lumière a-t-elle été donnée à un misérable, et la vie à ceux qui sont dans l’amertume du cœur ? »

Au figuré, il caractérise l’éclat physique ou moral, et surtout : intelligence, clarté, savoir, connaissance, et, en général, tout ce qui éclaire ou dirige l’esprit. « On distingue les lumières naturelles et les lumières acquises ». Il n’y a que deux choses dit Bastiat, qui puissent sauver la société : « la justice et la lumière ». L’ignorance est le milieu familier de la servitude. Éclairer les esprits, c’est surtout en préparer la conscience, en rythmer intelligemment les élans… Aux ténèbres de la foi, qui paralysent l’essor de l’homme, le maintiennent dans la peur et l’obéissance doivent succéder les lumières de la raison, qui l’émancipent et agrandissent son domaine.

On dira, pour marquer que sa personnalité a brillé sur son temps par quelque qualité rare, par son éloquence, par ses connaissances ou son génie, qu’un écrivain, un savant fut une lumière du siècle, un avocat, une lumière du barreau, etc. Pour caractériser leur aisance, leur beauté, leur compréhension spontanée, on qualifie de lumineux tel esprit, idée, pensée ou discours…

LUMIÈRE n. f. (bas latin luminaria). Newton admit que les corps lumineux émettaient des particules matérielles, animées d’une grande vitesse, dont le choc sur la rétine produisait l’impression visuelle ; et il tenta

d’expliquer tous les phénomènes optiques par le mouvement de ces particules, que l’on supposait pointues par un bout, arrondies à l’autre et douées d’un mouvement de rotation sur elles-mêmes. Quand elles rencontraient un obstacle par leur partie arrondie, il y avait retour en arrière ou réflexion ; si la rencontre avait lieu par la pointe, il y avait pénétration et réfraction ; ce dernier phénomène s’expliquait par une différence de vitesse dans les divers milieux. Les expériences de Foucault démentirent la théorie de l’émission ; Young mit en relief les analogies qui existaient entre le son et la lumière, analogies confirmées ensuite par les travaux de Fresnel. Aussi croit-on présentement que la lumière résulte du mouvement vibratoire d’un milieu infiniment élastique et répandu partout, l’éther : c’est la théorie des ondulations. Un écueil a surgi depuis qu’Einstein a développé sa doctrine de la relativité. Selon ce dernier, et contrairement aux conclusions des adeptes, à la fois, de Newton et de Fresnel, la lumière ne se propage pas en ligne droite. Sur ce point trois faits expérimentaux confirmeraient la doctrine du grand théoricien : le déplacement du périhélie de Mercure, la déviation de la lumière des étoiles par le Soleil et le déplacement des raies solaires vers le rouge. L’anomalie constatée dans le mouvement de Mercure s’explique, dans la thèse classique, en donnant au Soleil une forme très peu différente d’une sphère ; dans la thèse d’Einstein le déplacement de 43 » par siècle, dans le sens voulu, est normal et n’exige aucune explication complémentaire. Selon Einstein, il y aurait déviation du rayon lumineux qui passe au voisinage d’un corps de grande masse ; déviation qui l’incurverait, tel la trajectoire d’un projectile lancé au voisinage de la terre. Une expérience tentée lors d’une éclipse totale du Soleil aurait donné des résultats presque d’accord avec la théorie einsteinienne. Enfin les mesures effectuées auraient vérifié dans l’ensemble le déplacement des raies spectrales solaires vers le rouge, par rapport aux raies produites sur la terre, comme le veut la même théorie.

D’autre part l’éther, agent de transmission des ondes lumineuses, subit-il un entraînement comme il arrive dans le milieu propagateur des ondes sonores ? D’après Fizeau l’éther éprouverait un entraînement total ; d’après Fresnel un entraînement partiel seulement. Et, contrairement à Newton qui supposait implicitement des actions instantanées, ce dernier physicien tenait compte de la durée de transmission des ondulations qui se propagent de proche en proche dans un milieu adéquat ; il appliquait les idées de Newton à la théorie de Huygens. Lorsqu’il s’agit de déplacement, il faut introduire une nouvelle variable : le temps. Or les calculs tout théoriques de la doctrine relativiste concorderaient aussi avec les résultats expérimentaux ; de plus l’interprétation relativiste présenterait l’avantage d’être purement cinématique et de n’exiger aucune hypothèse sur la constitution de l’éther. Appliquée à l’étude de l’influence du déplacement de la terre par rapport à l’éther supposé immobile, la doctrine einsteinienne a fait l’objet d’une confrontation expérimentale basée sur les phénomènes interférentiels, à l’aide du dispositif de Michelson et Morley. Les résultats furent négatifs. Est-ce parce qu’il s’agit de grandeurs de l’ordre du cent millionième, non mesurables expérimentalement, ou parce que la source lumineuse, le dispositif optique et l’observateur sont entraînés dans le mouvement de la terre ? Les partisans d’Einstein le prétendent, mais ses adversaires ne le croient pas.

A côté de la lumière visible des sept couleurs de l’arc-en-ciel qui par leur superposition donnent la lumière blanche et dont chacune répond à une longueur d’onde différente, il existe des radiations obscures qui n’impressionnent pas du tout la rétine. Les plus connues