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ÉNERGIE. On dit qu’un corps ou système de corps possède l’énergie lorsqu’il est capable de produire du travail. Cette énergie peut exister dans les corps soit à l’état actuel ou cinétique, soit à l’état potentiel.

On entend par énergie actuelle ou cinétique celle que possèdent les corps en mouvement. Nous la trouvons dans la nature produite par les chutes d’eau, les vents, les mouvements de la mer. À cet état, nous savons plus ou moins facilement l’utiliser, c’est-à-dire lui faire produire le travail dont nous avons besoin, et nous devons le faire au lieu et à l’instant où elle se produit. L’énergie potentielle existe à l’état latent ou en puissance, dans certains corps ou systèmes de corps au repos, et peut apparaître à l’état d’énergie actuelle, c’est-à-dire être utilisée, en un lieu et à un moment quelconques. Pour provoquer cette transformation en travail, il suffit d’une faible dépense d’énergie primitive. Considérons, par exemple, une certaine quantité de charbon : le système des corps constitué par le charbon et l’oxygène de l’air possède une énergie potentielle. En effet, il suffira de porter une partie du charbon à une température convenable pour que la combustion, c’est-à-dire la combinaison avec l’oxygène, de toute la masse, se produise. Cette combustion permettra, comme on le sait, de vaporiser l’eau d’une chaudière et de mettre en mouvement une machine à vapeur qui produira le travail. L’énergie primitive qu’il a fallu dépenser pour transformer en travail l’énergie potentielle du système charbon-oxygène est représentée par la quantité de chaleur nécessaire pour porter une faible quantité de charbon à une température suffisante pour provoquer la combustion. Il y a différentes formes de l’énergie. On sait qu’on peut mettre en mouvement les machines d’une usine, c’est-à-dire produire du travail soit au moyen d’une chute d’eau, soit en utilisant la chaleur produite elle-même par la combinaison chimique de deux corps, carbone et oxygène (machine à vapeur), soit au moyen d’un moteur électrique alimenté par un courant. Donc, la chute d’un corps (torrent), la chaleur, les phénomènes chimiques, le courant électrique, sont des manifestations de l’énergie : énergie mécanique, thermique, chimique, électrique.

On trouve dans la nature, d’une part, la matière ; d’autre part, l’énergie. Pour utiliser convenablement la matière, nous devons la transformer. Ex. : transformation des minéraux en métaux, les calcaires en chaux, etc. De même, la forme de l’énergie doit être transformée pour être utilisée. La possibilité de cette transformation nous est donnée par la machine à vapeur. L’énergie potentielle chimique de l’ensemble carbone-oxygène s’est transformée en énergie thermique et elle-même en énergie mécanique. Cette énergie peut actionner une dynamo qui donnera de l’énergie électrique.

Toutefois, cette transformation nécessite une certaine complexité d’appareils et elle ne se fait qu’à condition de consentir à une perte énorme de l’énergie mise en jeu, environ 90 %. Cependant, on peut transformer l’énergie sans grande perte et on peut aussi la transformer facilement d’un point à un autre. Chacun sait que l’on peut transporter l’énergie produite par une chute d’eau et préalablement transformée en énergie électrique à plusieurs centaines de kilomètres ; et l’utiliser à son point d’arrivée, sous différentes formes (V. Électrification).

On remarque que, dans un système, si aucune action n’intervient de l’extérieur, l’énergie se conserve en quantité invariable, quelle que soit sa transformation. C’est le principe de la conservation de l’énergie. L’énergie ne se crée ni ne disparaît : elle ne fait que se transformer. Si nous considérons une certaine quantité d’énergie électrique et que nous la transformions intégralement, partie en chaleur et partie en travail méca-

nique, la somme de ces deux dernières formes d’énergie sera rigoureusement égale à la quantité d’énergie première.


ENFANCE n. f. C’est la première période de la vie de l’humain. Elle commence à la naissance, se termine à l’âge de la puberté (Voir puberté, enfant). L’enfance a un charme auquel l’homme sain, en général, est très sensible. Dans une autre partie de cet ouvrage, il sera sans doute parlé des grands amis des enfants, des Vincent de Paul, des Tolstoï, mais ce qu’on ne pourrait rendre, c’est l’enthousiasme qui, depuis des millénaires, anime les artistes, les savants, les penseurs innombrables, tous ceux qui ont entrepris d’exprimer, d’aider, de défendre l’Enfance au charme infini…

Ce charme, l’anarchiste l’éprouve, j’ose le dire, plus que tout autre, car sa conscience d’anti-autoritaire y est préparée par son regret spécifique des faibles et des sans défense. La vue de l’enfance malheureuse est pour lui une source intarissable d’énergie, un stimulant continuel et puissant. Il écoute douloureusement l’écho des souffrances de cette humanité confiante et, prévoyant ce qu’elle endurera encore demain, il s’efforce de l’équiper pour la lutte, de la rendre plus volontaire, plus indépendante, plus apte au bonheur (voir Éducation).

Je l’ai dit plus haut : d’autres que les anarchistes se sont mis au service de l’enfance, mais seuls, par définition, puisque anti-autoritaires, les anarchistes se doivent d’élever l’enfant pour l’enfant ou, si vous le préférez, le mobile égoïste de l’anarchiste cherchant à aider l’enfant est d’un degré « supérieur » à celui de la moyenne de ses concurrents : ceux-ci, en effet, voient surtout dans la protection de l’enfance un moyen d’étendre dans l’avenir leur propagande en faveur de leur système politique ou de leur religion, alors que l’anarchisme bien compris ne forme que des hérétiques. Quoi qu’il en soit, il n’en a pas moins fallu des siècles d’efforts de bon ou de mauvais aloi pour acquérir les maigres résultats actuels ; bien d’autres siècles, sans doute, s’écouleront encore avant que la grande détresse des petits cesse d’arracher des larmes de compassion. Les bonnes œuvres se sont multipliées ; la « protection légale de l’enfance » a réglé d’une manière moins inique le travail des enfants dans l’industrie : limite d’âge, du nombre d’heures de travail, suppression du travail nocturne, etc. ; la loi garde un œil ouvert sur les enfants en nourrice, appesantit sa main sur les parents indignes, mais… la plupart de ces progrès restent théoriques, le capitalisme refuse à la grande majorité des enfants la nourriture matérielle ou intellectuelle indispensable, les relègue dans des taudis ; la Mère Patrie crée des bagnes d’enfants, au mépris de la Science et de son déterminisme (voir L. Roubaud : Les Enfants de Caïn (Grasset). La loi conçoit étrangement le mot « indigne «, qu’elle applique trop souvent aux êtres dignes et indépendants, tout en distribuant des palmes aux fous dangereux, mystiques ou patriotes. Beaucoup plus « efficace » que sa protection légale est la prostitution légale et, par des primes et des distinctions, elle encourage une concurrence abominable dans la procréation parmi les misérables et les dégénérés, organisant ainsi le recrutement des armées de semi-humains nécessaires pour assurer un plus grand rendement à l’exploitation de l’homme par l’homme. L’État français — suprême honte — en organisant le blocus de l’immense mais faible Russie, en a fait, pendant des années, un enfer de l’enfance squelettique, un foyer de prostitution infantile dont les conséquences damneront encore plusieurs générations. Quant à l’enfance horrible de