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cence, les autres leurs accusations. La plus commune de ces épreuves était l’épreuve du feu. Les mains attachées à un anneau scellé dans le mur, on fixait les pieds du patient dans un appareil au-dessous duquel on faisait du feu. Les progrès de la civilisation ont mis heureusement fin à ces pratiques barbares.

Est-ce à dire que les individus ne sont plus soumis à de cruelles épreuves ? La marche de la civilisation est terriblement lente et l’humanité n’enfante que dans la douleur. Avant d’atteindre son but, l’humanité aura encore à subir de rudes épreuves, car ce n’est qu’à l’expérience que l’homme se façonne et apprend à se conduire.

Les dix dernières années que nous venons de traverser, furent lourdes de souffrances ; que cette épreuve nous soit salutaire ; qu’elle nous instruise, qu’elle nous éclaire, qu’elle nous apprenne qu’il n’y a de bonheur que dans la liberté et que, si le courage éprouvé du peuple n’était pas dépensé inutilement pour une mauvaise cause, la Paix rayonnerait sur le monde, mettant fin aux épreuves tragiques qui ensanglantent l’humanité.


ÉPURATION n. f. Action d’assainir ; l’épuration du sang ; l’épuration de l’air. Au figuré : épuration des mœurs ; épuration politique ; épuration d’un parti ; d’une organisation, d’une association, d’un groupe, etc…, etc…

L’épuration consiste à éliminer d’une organisation quelconque les éléments que l’on considère indignes d’en faire partie. Dans toute association se glissent des brebis galeuses qui enveniment tout le corps. L’épuration s’impose donc, elle ne peut être que salutaire. Il est des organisations, des institutions dont l’épuration est inopérante, inutile, car tout en elles est corrompu ; la destruction totale est l’unique ressource. C’est toujours en vain, que des hommes, en mal de politique, ont prétendu par exemple, essayer d’épurer les mœurs du Parlement. Peine inutile. Ils ont eux-mêmes été infectés du mal qu’ils voulaient combattre. Tout ce qui touche de près ou de loin à l’État ne peut-être épuré. Il faut abolir.

L’anarchisme, ou plutôt les milieux anarchistes souffrent parfois aussi d’une crise de moralité, et cela n’a rien de surprenant. Les hommes ne sont jamais que des hommes et non des Dieux. D’autre part, les Anarchistes, adversaires irréductibles de l’Autorité, ouvrent trop facilement la porte de leurs maisons aux parasites sociaux. L’Humanité est un composé de lutteurs et de déchets. Parmi ces déchets, victimes d’une organisation sociale imparfaite, se trouvent de pauvres hères qui, rejetés de partout, ont une conception fausse de la liberté, et sont encore esclaves des préjugés et des vices de la société moderne. Leur ouvrir notre porte est un danger.

On a cru pendant longtemps qu’il était possible d’associer tous les réfractaires à nos travaux ; mais depuis quelques années, les anarchistes se sont rendu compte de leur erreur. Ils ont compris que l’Anarchisme était autre chose qu’une association de mécontents, qui n’avaient pu trouver place autour de l’assiette au beurre ; ils ont appris qu’un mouvement sérieux devait reposer sur des bases philosophiques et sociales solides, et ils se sont attachés à éloigner d’eux tous les indésirables pour qui l’Anarchisme n’était qu’un paravent, susceptible de cacher leurs tares physiques et morales.

Ce travail d’épuration continuera jusqu’au jour où seront éliminés tous ceux qui ne veulent pas œuvrer sincèrement et loyalement à l’émancipation totale de l’individu.

Les anarchistes ne sont qu’un petit nombre. C’est

vrai. Mais qu’importe. Il vaut mieux être peu, attablés autour du même ouvrage, travaillant harmonieusement à l’édification lente de la maison future, que d’être des milliers à bâtir une tour de Babel qui s’écroule comme un château de cartes.

Epurons-nous ; sachons d’abord être individuellement sains de corps et d’esprit. Epurons-nous pour être meilleurs et donner à ceux qui nous entourent, qui nous regardent l’impression d’hommes sérieux, sincères et puissants, et notre épuration bienfaisante, entraînera tous ceux qui espèrent en des jours meilleurs et sont las de subir une société viciée jusque dans ses moindres organismes et qui ne subsiste que par la force du passé et de l’habitude.


ÉQUITÉ n. f. (du latin œquitas, même signification, de œquus, uni, égal). « Dans le monde il n’est rien de beau que l’équité » écrivait Boileau. Si l’équité est la droiture, la justice, alors il n’est rien de beau dans le monde car celui-ci est bâti sur l’iniquité et l’injustice.

De quelque côté que l’on se tourne, on assiste à l’arbitraire le plus choquant, à l’inhumanité la plus révoltante.

L’équité, nous dit Lachâtre, est la disposition à faire à chacun part égale, à reconnaître impartialement le droit de chacun. Mais le droit, en régime bourgeois, est une formule creuse. Le droit en société capitaliste c’est la force, c’est la violence, c’est la puissance, c’est l’autorité ; le droit, c’est la rigueur des lois, c’est le législateur, c’est le magistrat, c’est le gardien de prison. Peut-on demander à ces divers suppôts de l’organisme social de se faire les fidèles défenseurs de l’équité ?

Rien n’est équitable en ce bas monde, et l’injustice règne en maîtresse. La base même de l’organisation sociale est inique, comment les institutions qui en découlent et les hommes qui les dirigent seraient-ils probes et justes ? Ce qu’il y a de plus effrayant, c’est que ceux qui souffrent de cette absence d’équité sont les premiers forgerons des chaînes qui les tiennent attachés au servage injuste qu’ils subissent inconsciemment.

L’iniquité sociale devient chaque jour plus flagrante cependant que le démocratisme déploie son étendard et proclame son désir d’équité humaine.

Tromperie que tout cela et le démocratisme est un mensonge. Point n’est besoin de fouiller bien profond pour s’apercevoir qu’il n’est pas un facteur d’équité.

Jetons un regard dans ce foyer de concussion qu’est le parlement. Il s’y commet les crimes les plus odieux et les plus méprisables. Ce n’est certes pas parmi cette association de malfaiteurs que l’on cherche à « reconnaître impartialement le droit de chacun ». Chargés de soutenir le « droit » et de défendre les intérêts de leurs mandants, les députés trafiquent de leurs mandats et font leurs propres affaires. L’équité pour eux est simplifiée : elle consiste à remplir leurs poches afin de vivre grassement sur le dos de leurs électeurs. Les lois qu’ils promulguent sont iniques — une loi ne peut être équitable — et favorisent toujours les classes possédantes qui dirigent tous les rouages de la société

Dans la répartition des lourdes charges de l’État, l’équité brille également par son absence. De même qu’au moyen âge le serf était contraint de suer sang et eau pour subvenir aux besoins et aux jouissances de son seigneur, le peuple aujourd’hui, esclave modernisé, est obligé de travailler pour payer directement ou indirectement les impôts servant à entretenir une armée de parasites.

« L’Équité rarement est l’arbitre des rois » dit Marmontel ; elle est aussi rarement l’arbitre des démocraties. Les monarchies et les démocraties reposent, les unes comme les autres, sur des principes d’inégalité