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et Vischnou, dans le bouddhisme celle de Bouddha, Dharmas et Sanghas, dans les légendes chaldéènnes celle de Anou, Bel et Ouah, en Perse celle d’Ormuzd, Ahriman et Mythra, en Égypte celle d’Ammon, Month et Rhons, ou d’Osiris, Isis et Homs, ou encore de Khnoupis, Sats et Amouké. On la retrouve dans toutes les mythologies jusqu’à celle du christianisme du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Celle-ci est la plus incompréhensible de toutes, parce qu’elle n’a plus que des explications théologiques où les gens d’Église eux-mêmes perdent leur latin. On connaît l’anecdote de ce bon curé de campagne qui, ne sachant comment expliquer la Trinité a ses ouailles, leur dit : « La Trinité est comme un morceau de lard ; le gras, c’est le Père, le maigre, c’est le Fils, et la couenne, c’est le Saint-Esprit », traduisant ainsi l’assimilation primitive de la divinité avec les objets de subsistance des hommes.

La Purification et la Rédemption par le sacrifice sont aussi dans la religion naturiste. D’abord, un animal ou un être humain fut chargé du fardeau des autres pour les alléger. L’idée de purification s’y ajouta et le sacrifice du bouc émissaire lava l’homme de ses fautes. On en arriva à sacrifier le dieu lui-même après l’avoir fait homme. Jésus fut mis en croix pour laver les péchés des hommes, et son sacrifice se continue dans la communion chrétienne où, comme dans le totémisme, le fidèle s’assimile le sang de son dieu sous les espèces eucharistiques. « Jésus-Christ est en personne dans l’Eucharistie et nous y donne son corps en substance », a dit Bossuet. De nombreux primitifs sacrifient encore des animaux et mêmes des hommes. La guerre est demeurée l’image des hécatombes à la gloire du « Dieu des armées » dans ses formes plus positives de sacrifice au Dieu des affaires et des coffres-forts. On apaise toujours le Seigneur comme on apaisait Moloch et Jéhovah, et des drapeaux demeurent les emblèmes du sacrifice patriotique dans les temples du Dieu qui mourut pour la fraternité universelle !…

Les cultes funéraires, célébrés spécialement par le christianisme les 1er et 2 novembre, sont nés de l’idée d’apaiser l’esprit des morts par des offrandes et des cérémonies commémoratives sur leurs tombes. Lorsque le christianisme primitif voulut s’élever contre ce culte et dit : « Laissez les morts ensevelir leurs morts », il rencontra une immense résistance populaire et il dut adopter cette pratique en contradiction avec la foi nouvelle qu’il apportait et qui faisait mépriser les corps. Le christianisme s’est adapté au point qu’il a organisé le culte des reliques et qu’il en a fait l’objet de la simonie la plus impudente (voir Simonie.) L’idée de purification et de rédemption se retrouve dans la confession des péchés que les religions primitives pratiquèrent dans des cérémonies magiques d’expulsion du malin et dans le baptême. Le christianisme a fait de la confession, du baptême et de la communion les moyens de domination qu’on connaît.

Mortifications, macérations, pénitences de toutes sortes ont toujours été pratiquées pour ressembler au totem, pour se rapprocher du dieu dans un état de plus grande pureté, pour en avoir une connaissance et en recevoir des communications plus profondes et plus particulières. Les sorciers ont encouragé et multiplié autant qu’ils ont pu, au lieu de les combattre, les formes de vésanie les plus imbéciles, au point qu’elles prirent la gravité d’épidémies. Les flagellations, qui faisaient partie des exercices dévôts de l’antiquité païenne, se continuèrent au moyen âge chrétien avec une véritable fureur collective, et on en voit encore aujourd’hui. Les sorciers avaient imaginé que la castration était agréable aux puissances divines. Les prêtres d’Athys se mutilaient pour ressembler à leur dieu. Les chrétiens Origène et ses disciples firent de même pour affirmer leur volonté de chasteté. Jusqu’à ces derniers temps on châtrait les enfante destinés aux chœurs de

la Chapelle Sixtine ; tout dernièrement, le pape a décidé qu’il serait mis fin à cette pratique odieuse. Les exorcismes de l’Église pour combattre les maléfices sont restés dignes du fétichisme le plus primitif. Toutes sortes de pratiques charlatanesques, explicables parfois à l’origine, sont demeurées par la sorcellerie des prêtres ou de thaumaturges clandestins. Ces derniers paient parfois en correctionnelle, non le fait d’avoir exploité la sottise publique, mais celui d’avoir fait une concurrence « déloyale » et « impie » aux d’église !

Forêts et sources enchantées voyaient jadis les cortèges des lutins, les ébats des faunes, des nymphes des dryades, les danses du sabbat (voir Sorcellerie). Les foules geignantes des éclopés du corps et de l’esprit venaient demander à la plante magique et à l’eau miraculeuse la guérison de leurs maux, les vertus curatives de certaines plantes et de certaines eaux ayant été éprouvées. Les sorciers intervinrent pour créer des régions de miracles. Chaque village avait vu des prodiges divins qui justifièrent des pèlerinages. La Vierge apparut à des Mélanie et Bernadette, comme jadis les fées à l’entrée de grottes merveilleuses, et des N. D. de la Salette, des N. D. de Lourdes renouvelèrent les prétendus prodiges des fontaines de Jouvence. Elles en font trop et pas assez pour la raison humaine, car si elles ramènent à la vie des gens qui passaient pour morts, elles n’ont jamais été capables de rendre son bras manquant à un manchot. Cela leur est aussi impossible qu’à leurs sorciers de démontrer que un égale trois.

Toutes les constatations des rapports entre le naturisme et les religions les plus modernes démontrent que celles-ci, bien loin d’employer les connaissances acquises par la raison et la science pour faire progresser l’humanité, ne s’efforcent que d’aggraver sous des formes nouvelles les vieilles superstitions en les érigeant en dogmes. Malgré toutes les aberrations des religions primitives, il y avait en elles une pureté de sentiment, une préoccupation de moralité qui n’existent plus dans les religions modernes flétries par l’hypocrisie et déshonorées par leur adhésion à toutes les turpitudes dirigeantes, à tous les dols, toutes les fourberies, tous les crimes. Le primitif est le plus souvent criminel par ignorance ; le civilisé l’est sciemment, volontairement, par calcul. C’est pourquoi les religions sont de plus en plus immorales. M. Monod-Hersen, dans un récit de voyage au Niger, a écrit : « Le prêtre fétichiste croit à sa religion. Aussi est-il très rarement le profiteur de sa foi. S’il en vit, il en remplit aussi les devoirs en faisant pénétrer dans le peuple ses enseignements. L’essentiel, pour le fétichiste, est le respect de certaines règles morales. Trois vertus notamment sont requises de l’homme pour son salut : la justice, la bonté, l’aide aux faibles. Notez qu’il n’est pas nécessaire d’être fétichiste pour être sauvé. L’observance des trois vertus suffit. » Comparez cette morale primitive à celle des gens qui disent : « Hors de l’Église, point de salut ! », et dites où se trouve la vraie morale.

De nombreux auteurs ont « démontré surabondamment qu’il n’y a rien de sage dans les évangiles qui n’ait été connu et pratiqué par les rabbins » (P.-L. Couchoud.) De même, il n’y a rien de sage que les rabbins aient connu et pratiqué, qui n’ait été avant eux et avant toutes les religions dans la religion naturelle, source spirituelle de l’humanité comme la Terre en est la nourricière, la « terre chérie » que le primitif indou ne séparait pas, dans ses sentiments, de la « femme bien aimée ». — Édouard Rothen.


NATURISME INDIVIDUALISTE (Le). Il y a et l’on propage plusieurs conceptions du Naturisme : pour les uns, le Naturisme consiste en un retour ou une régression vers un passé primitif, antéhistorique ou précivilisé, que personne n’a, jamais vu, dont il ne reste que des do-