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NOU
1806

en être la somme totale ? Le problème se révèle immédiatement d’importance.

La cellule constitutive de l’agglomérat humain est essentiellement albumineuse. Sa constitution préalable, son usure, justifient donc l’apport de matériaux azotés.

Pour si indiscutable que soit cet apport, l’importance en fut pendant longtemps exagérée. La diététique officielle et classique l’avait fixée à un taux que rien ne justifiait. C’est ainsi que Germain Sée, qui se ravisa par la suite, estimait de 130 à 160 grammes la ration journalière de protéiques nécessaire à un adulte de poids moyen. D’autres physiologistes, parmi lesquels Voit et Pettenkoffer, réduisirent leurs estimations à 120 grammes pour un total de calories voisin de 3.000 unités. A. Gauthier, Beaunis et Atwater établirent une ration alimentaire type se décomposant comme suit : 111 grammes d’albumine ; 84 grammes de graisse ; 337 grammes d’hydrates de carbone.

Koffer, Ranke et Benke obtenaient par une méthode différente : 110 grammes d’albumine ; 36 gr. de graisses ; 345 grammes d’hydrocarbonés, dégageant une somme totale de 2.532 calories.

Mais les méthodes employées par ces savants auteurs étaient entachées d’empirisme. C’est alors que les procédés d’investigations scientifiques furent substitués aux calculs fantaisistes. Armand Gautier, imité par d’autres physiologistes, revenant sur leurs évaluations premières, abaissèrent de quelques centaines d’unités le taux des calories primitivement établi, tout en réduisant sensiblement la portion azotée. Fauvel, soumettant pendant cinq années consécutives un sujet à un régime plus restreint et mieux ordonné, observa que 60 à 70 grammes, incorporés à une ration totale représentant 2.200 calories, suffisaient à le maintenir en bon état physiologique. Chittenden, poursuivant, en 1903 et 1904, cette expérience de réduction quantitative de la ration alimentaire appliquée sur 26 individus de professions, de races et d’âges différents, aboutit à la remarque que 45 à 55 grammes de substances protéiques suffisent quotidiennement aux exigences physiques d’un homme de poids moyen. L’un de ces sujets tira même un bénéfice physique et mental du fait que sa ration avait été abaissée pendant plus d’un an, au total quotidien de 1.600 calories avec 36 grammes 6 d’albumine seulement.

Lapicque ayant obtenu le chiffre de 54 grammes d’albumine et Labbé 44 grammes, Pascault, tablant sur ses expériences personnelles, aboutit aux chiffres de 53 grammes d’albumine exigible pour chaque individu d’un poids ordinaire. C’est cette conclusion qui lui fait affirmer que la question des albuminoïdes ne doit pas hanter quiconque se préoccupe de régime. « Je serais presque tenté, ajoute-t-il, si je ne craignais d’être accusé de cultiver le paradoxe, de dire de l’azote : on en à toujours assez, , on en à toujours de trop. »

Cette ration de sédentarité, réduite à une moyenne de 1.800 calories ne renfermant que 53 grammes de composés azotés, suffit-elle à réparer les forces d’un ouvrier astreint à un labeur pénible, épuisant ? N’y a-t-il pas lieu de l’amplifier tout en augmentant l’importance de la fraction azotée aux fins de réparation des tissus fort éprouvés ?

Le moteur humain, à l’instar des moteurs mécaniques, a des exigences restreintes, comme nous. le verrons plus loin, en matériaux de constitution. Ce qu’il lui faut pour fonctionner, c’est du combustible de bonne qualité, c’est donc, dans les composés ternaires, dans les hydrates de carbone particulièrement, comme de récentes expériences l’ont confirmé, que la machine humaine trouvera les principes de l’avitaillement qui lui conviennent le mieux. Ce sera donc aux aliments dynamogènes que le travailleur demandera exclusivement son supplément de ration.

En 1865, deux physiologistes, désireux de solutionner cette question, entreprirent de concert l’ascension méthodique du Faulhorn, d’une hauteur de 3.000 mètres. L’analyse de leur urine avant et après l’épreuve permit de constater que les déchets azotés demeuraient invariables. Voit, renouvelant l’expérience sur le chien et le cheval, obtint semblable résultat. Chauvet, expérimentant sur des animaux, aboutit à la conclusion que la consommation d’albumine ne subit aucune variation, que l’animal soit actif ou non.

D’ailleurs, les millions d’extrême-orientaux et d’africains qui demandent à la parcimonieuse ration de riz, d’orge ou de dattes une alimentation pauvre en éléments plastiques et qui sont pourvus d’une vigueur indéniable attestent le mal fondé de prétentions qui ne devraient plus subsister.

Outre qu’il est inutile de faire appel au concours massif d’aliments à forte teneur albumineuse, il est dangereux de leur réserver une place trop importante. Si la destruction par l’organisme des principes ternaires, lorsqu’ils sont en excès, ne l’expose pas à de sérieux mécomptes, l’apport excessif d’albuminoïdes, surtout lorsqu’ils sont d’origine animale, engendre, au cours de leur désintégration, une foule de déchets toxiques dont l’urée et l’acide urique sont parmi les plus importants. Il en résulte une acidification des humeurs qui, à la longue, instaure ce redoutable état diathésique : l’arthritisme.

Une sévère sélection alimentaire s’impose donc pour ne pas compromettre le bon équilibre physiologique. Donner la préférence à une nourriture où les hydro-carbonés dominent constituera donc, pour l’économie, une politique idéale de la nutrition. Et l’homme n’aura jamais à redouter le danger d’une sous-alimentation, sa propension à la gourmandise étant le plus sûr garant de la suffisance.

Les graisses et les sels minéraux occupent, comme nous l’avons susmentionné, une place importante dans les apports indispensables. Les premières symbolisent le type de l’aliment thermogène par excellence. Nous les trouverons en quantité plus que suffisante dans notre ration, d’autant plus que l’adjonction habituelle des corps gras consacrée par les mœurs culinaires, souvent en surcharge, nous garantit de tout danger de pénurie. Il n’y a donc lieu de s’en préoccuper que pour en restreindre l’abus.

L’importance jouée par les sels minéraux mérite d’être signalée. L’alimentation moderne leur marchande trop une place qu’ils devraient occuper sans contestation. N’est-ce pas le phosphore qui préside à la construction des noyaux cellulaires ? Le fer ne joue-t-il pas un rôle particulier dans l’hématose ? Et la soude ne contribue-t-elle pas à neutraliser les effets toxiques des acides dont l’économie est généralement surchargée ? Il est donc maladroit de les frapper d’ostracisme et une part importante des manifestations pathologiques n’a pas d’autre origine. Restituons-leur donc la place qu’ils devraient occuper en nous adressant aux aliments qui en sont riches à la condition de ne pas les en débarrasser par un mode de cuisson intempestif et routinier.

La question des vitamines est encore une énigme. Non pas qu’on ignore leur manifestation. Les découvertes récentes ont mis en lumière leur intervention dans les phénomènes vitaux. Mais l’impuissance actuelle de la science à les identifier convenablement laisse subsister le mystère qui les couvre. Il n’en résulte pas moins que leur concours ne peut être récusé en matière biologique. Toute alimentation dépourvue de leur présence conduit à une mort inéluctable.

Des chiens soumis au régime de la viande cuite exclusive succombent invariablement avant un délai de deux mois, après avoir parcouru toute une série de phases morbides. Des pigeons alimentés de froment décorti-