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tique, dans des circonstances identiques, par esprit d’économie.

Quand une cellule a été fortement impressionnée, elle rumine en quelque sorte cette impression, à la façon d’un écho intérieur, jusqu’à épuisement de l’excitation initiale.

L’irritation est assez forte pour échapper pendant plus ou moins longtemps à l’action d’arrêt des relais supérieurs. L’autorité de ces relais n’est ressaisie qu’au fur et à mesure de l’épuisement de l’irritation et dans la mesure également où le pouvoir d’inhibition est resté normal, car il arrive que, par voie de propagation, l’obsession forte inhibe à son tour l’initiative des relais voisins.

Une fois constituée, l’obsession revêt les allures du parfait automatisme en ce sens que la cellule, par l’emmagasinement seul de son énergie reproductrice, n’a plus besoin d’un excitant extérieur pour réaliser son travail. La nécessité d’une provocation extérieure marquera la fin du paroxysme obsessionnel.

Le propre d’une obsession est d’irradier. Une opération cellulaire n’a raison d’être que par son effet. Aucune ne se suffit à soi-même, qu’il s’agisse d’une sécrétion, qu’il s’agisse d’un dynamisme quelconque, toujours le travail cellulaire retentit par ailleurs, dans un sens quelconque du névraxe. C’est ici le lieu de prononcer le mot d’Impulsion, corollaire fréquent de l’obsession dont elle partage les caractères psychologiques.

L’impulsion est la réponse à l’invite centripète qui met en jeu la cellule, Elle alerte tout simplement un groupe de muscles et un acte est la fin momentanée de l’obsession. Ce sera, par exemple, l’érection qui répondra à une excitation du centre génito-spinal, excitation résultant elle-même d’une action centripète de cause extrêmement variée (action endocrinienne d’origine testiculaire, provocation sensorielle, visuelle, auditive, olfactive, etc…). Ce centre pourra être mis en œuvre à l’insu ou malgré les centres supérieurs de contrôle, réalisant ainsi une des nombreuses formes de l’automatisme sexuel.

Les irradiations du dynamisme cellulaire ont lieu, dans le cas d’obsession simple, dans des voies où la réponse à l’incitation ne provoquera point le mouvement. C’est le cas où toute une série d’associations purement psychiques répond à la sollicitation initiale de la cellule. C’est ainsi que l’obsession d’un mot anodin par lui-même provoquera, comme par échos déclenchés, toute une série d’autres mots pénibles, désagréables, obscènes, ou autrement toute une série de sensations agréables, voluptueuses, dont la répétition mentale automatique sera, par exemple, pour une dame pieuse, dévote, une source de scrupules, de reproches, d’auto-accusations. Les obsessions ne sont une peine, le plus souvent, que par leurs irradiations, motrices ou psychiques.

Le mécanisme de l’obsession repose donc sur l’irritation forte d’un centre, suivie d’irradiations dans des voies connues où, agissant sans frein ni correctif, elles provoquent une surprise pour la conscience.



L’étude sommaire du processus psychologique de l’obsession va nous conduire sur le terrain de l’obsession pathologique.

Ce phénomène suppose une cellule jouissant d’une irritabilité particulière ou, inversement, une impression d’une puissance inaccoutumée : Sensibilité exagérée d’une part, énergie excitatrice démesurée d’autre part. L’importance et la durée de l’obsession seront corrélatives de ces deux qualités. En photographie il y a des plaques plus sensibles que d’autres, retenant fortement les impressions les plus fugaces et

il est, d’autre part, des sources lumineuses d’une intensité considérable, capables d’impressionner très vite les plaques sensibles. La comparaison est tout à fait exacte. Il arrive que la sensibilité individuelle acquière des proportions telles que les sujets s’en trouvent disposés plus que d’autres à l’émotion forte, par suite à l’obsession, par suite à l’automatisme. Les deux territoires, le normal et le pathologique, sont séparés par une simple zone de transition. Le tempérament nerveux, la surémotivité des névropathes (voir ce mot) sont à la base de l’obsession,

Normale ou pathologique (simple degré d’intensité entre les deux), l’obsession s’accompagne forcément de troubles d’ordre émotif. Ils sont ordinairement passagers et sont facilement domptés, mais exagérez l’émotion, celle-ci peut aller jusqu’à l’angoisse. Tant que dure l’obsession, les sujets sont haletants, inquiets, ils souffrent visiblement : des désordres vasomoteurs (sueurs, battements de cœur, rougeur, pâleur) trahissent cet état émotionnel.

L’obsession est, d’autre part, un phénomène conscient. C’est justement parce que le sujet se sent impuissant en face de l’automatisme obsessionnel qu’il est porté à souffrir et que son émotion s’intensifie. Simplement ennuyeuse et gênante, l’obsession, devenue morbide, est une véritable torture. On assiste à une lutte parfois dramatique que l’on ne saurait mieux comparer qu’à celle du lion de la fable contre le moucheron. Petite cause, gros effet, si le moucheron n’est pas congrument écrasé.

Souffrance cruelle, l’obsession est plus cruelle encore quand elle est suivie d’une impulsion, c’est-à-dire d’une réalisation extérieure tangible, capable d’alerter les témoignages. L’obsession peut rester à l’état de tension dynamique pendant longtemps sans éclater, mais la menace seule de l’éclat met les sujets aux champs. Ils ne savent qu’entreprendre pour se protéger, se garantir contre l’exécution qui pourrait avoir de dangereuses conséquences ; l’obsédé conscient demande alors fréquemment le secours de l’aliéniste et de la maison de santé.

L’obsession réalisée procure en manière de compensation une véritable jouissance organique, quel qu’en soit l’objet, comme il arrive chaque fois qu’un besoin a reçu satisfaction. Cet heureux résultat n’est qu’un trompe-l’œil, car l’obsession recommence jusqu’à l’épuisement.

Telle est la psychologie de l’obsession. Elle est facile à généraliser aux hahitudes, banales ou morbides. L’angoisse du fumeur cède à la cigarette ; la seringue à morphine calme le besoin factice du narcomaniaque.


Il me reste à cataloguer un certain nombre d’obsessions morbides souvent décrites comme autant de maladies séparées, alors qu’elles ne font que reproduire un seul et même état fondamental, sous des aspects variés.

L’état névropathique qui domine tous ces syndromes par sa gravité et sa tyrannie est la folie du doute, type de névrose consciente, obsessionnelle, torture morale d’autant plus cruelle que, par définition même, elle ne reçoit jamais satisfaction complète. Comme son nom l’indique, elle désigne tout ce qui, parmi les opérations psychiques, d’ordre intellectuel, mais surtout d’ordre affectif, provoque l’état de doute, exagération du doute et du scrupule normal, dont elle ne diffère que par la solution. Avez-vous quelque doute au sujet de l’existence de Dieu ou de l’Âme, recherchez-vous la solution d’un problème philosophique ou moral quelconque, si vous n’avez point satisfaction aujourd’hui peut-être l’aurez-vous demain, et si vous ne l’avez point, elle reste à l’état de simple désir anodin. Mais si vous êtes