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OR
1859

Tout est bien, tout a servi au développement de l’humanité, tout a concouru à la marche du progrès, tout cela a facilité et préparé la venue du bonheur inéluctable, final et universel.

A vrai dire, nous ignorons en quoi consiste le progrès et même s’il y a progrès. Pour savoir s’il y a progrès, il faudrait connaître le point de départ de l’humanité et le point ou les points vers lesquels elle s’avance. Nous l’ignorons et même si nous connaissions exactement ce point de départ, nous ne possédons aucun critère scientifique nous permettant de distinguer le progrès de ce qui ne l’est pas. Nous constatons un déplacement. Selon leur mentalité ou le parti auquel ils appartiennent, les humains nomment ce déplacement progrès ou recul, voilà tout.

Nous nous rendons compte que ce qu’on appelle progrès a très peu modifié les tempéraments et presque point les aspirations intimes des individus. Le déplacement est en surface, non en profondeur. Les découvertes d’ordre scientifique, spécialement au point de vue mécanique et leurs applications techniques ont transformé les circonstances de l’évolution des agglomérations sociales : dans la plupart des cas, elles ont été cause que le fait purement économique s’est substitué aux faits religieux-moral et politique-idéaliste, dont le rôle se réduit maintenant à un réservoir de termes, dont on se sert pour voiler la crudité des expédients ou des nécessités de l’existence des hommes.

Les guerres démontrent combien les applications techniques des découvertes scientifiques peuvent être tournées au désavantage de l’homme et combien « l’unité sociale économique » reste soumise aux caprices et à la volonté des conducteurs des troupeaux humains !

Est-ce une raison pour que l’individualiste se plonge dans le pessimisme ? Nullement.

L’individualiste ne croit ni en Dieu omniparfait, qui a créé le monde le meilleur qu’il puisse être, ni au Progrès qui rendra le monde le meilleur qu’il puisse être. Il vit dans le présent. Il se dit qu’il y a du bon et du mauvais dans les acquis de l’humanité et il ignore où ce qu’on appelle l’évolution conduira les hommes. La vie lui apparaît comme une expérience plus ou moins longue, composée d’une série d’essais passagers ou plus ou moins durables qu’il importe, pour lui, de rendre le plus agréable possible, soit seul, soit associé. Sa vie lui est un champ d’études et une leçon de choses. Il ne s’attarde pas aux expériences dont il ne retire qu’amertume, il ne se sent jamais lié par une expérience antérieure. Tantôt les circonstances lui dicteront la voie où s’engager et tantôt ce seront ses expériences passées. Quoi qu’il en soit, il tendra toujours à demeurer le maître de ses expériences, jamais à accepter qu’elles le maîtrisent.

Considérer la vie comme une série d’expériences pousse l’individualiste à fréquenter une multitude de personnes qui partagent ou ne partagent pas des idées qui lui sont chères. En effet, le développement individuel, l’exercice des initiatives, la mise en valeur des énergies, l’intensité des réactions, réclament souvent que les expériences se modifient, se renouvellent, se contredisent. Cette variation continuelle fait de 1’individualiste un être « bon », non pas niaisement bon, mais l’amène à condidérer autrui par rapport à son déterminisme particulier, à lui, autrui. S’il lui est antipathique, il s’en éloigne, sans plus, sans le juger. Si sa conception de la vie est identique à la sienne, il s’associe volontiers avec lui. C’est ce qui rend l’individualiste capable d’entreprendre des expériences à plusieurs. La pluralité des expériences, des existences menées simultanément dans des domaines différents, agrandit la portée du raisonnement, élargit le rayonnement du sentiment, considérés l’un et l’autre comme de simples produits du fonctionnement de l’organisme individuel — les débarrassant de la mesquinerie des juge-

ments a priori, si communs chez les êtres dont la vie est peu accidentée ou les expériences rares.

L’individualiste anarchiste qui a « bien vécu », autrement dit : réalisé le maximum compatible avec ses capacités de perception ou d’initiative ; connu le maximum d’émotions et de sensations adéquat à sa force de résistance ou son énergie d’appréciation, cet homme là « meurt bien », rassasié d’expériences, et non pas seulement d’années, comme l’indiquait l’antique et biblique formule. Il s’en va de la scène du monde, rassasié d’expériences qui se sont succédées, remplacées, complétées, sans autre regret que le temps que lui a dérobé l’État, les moyens dont il s’est servi pour se soustraire à l’emprise des lois ou des conventions sociales, les nécessités de subvenir à son existence — sans autre regret également que de ne pouvoir continuer l’expérience plus longtemps. Mais réalisant qu’il n’y peut rien, sa couche dernière ignore le remords, la crainte d’une survivance quelconque, puisqu’il est convaincu qu’il va s’absorber dans la circulation universelle. Point de prêtre à son lit mortuaire. Il ferme les yeux, pleinement heureux, s’il est un propagandiste, à la pensée qu’il a pu contribuer, par son exemple ou son activité, à inciter d’autres à s’engager sur la route large et féconde des expériences.

Pour rester un optimiste toute sa vie, l’individualiste n’a pas eu besoin de croire ni à Dieu, ni au progrès, il n’a eu besoin que de s’efforcer de rendre l’expérience de demain plus satisfaisante que celle d’aujourd’hui, en recherchant les causes qui ont fait peut-être un échec de celle d’hier. — E. Armand.


OR n. m. (du latin aurum). Métal précieux d’une belle couleur jaune, très pesant, ductile, malléable, inaltérable à l’air et à l’eau. Son poids atomique est 197. C’est de plus un corps très lourd, son poids spécifique va jusqu’à 19, 36. Son inaltérabilité est remarquable. Comme le platine, il résiste à tous les agents chimiques et n’est attaquable que par l’eau régale (mélange d’acide azotique et d’acide chlorhydrique). L’or est extrêmement ductile, ce qui permet de le réduire en feuilles excessivement minces, employées pour la dorure et dont l’épaisseur descend jusqu’à 1/10 de millimètre. Lorsqu’il est ainsi réduit en feuilles minces, l’or a des reflets rouges et laisse passer la lumière verte. Excellent conducteur de la chaleur et de l’électricité, il n’est fusible qu’à 1045 degrés centigrades.

L’or se présente quelquefois en petits cristaux, cubiques ou octaèdres, diversement modifiés et souvent groupés sous forme dendritique ; on le rencontre aussi en lames minces plus ou moins étendues à la surface de diverses matières ou en filaments qui pénètrent en leur intérieur. Souvent il est en paillettes ou en pépites plus ou moins volumineuses et fréquemment il est allié à une certaine quantité d’argent qui varie depuis 0,14 jusqu’à 72%. L’or se trouve rarement dans des gîtes spéciaux où il est en cristaux, en lames, en filaments dans des filons de quartz ; généralement il est disséminé dans d’autres gîtes métallifères, principalement dans les minerais d’argent ou dans les matières terreuses qui les accompagnent.

On l’extrait, soit des sables d’alluvions où il est contenu en paillettes, soit par des procédés mécaniques, des déblais provenant des filons. On broie d’abord les matières à traiter, on les soumet ensuite à des lavages successifs qui entraînent les parties légères et ne laissent que l’or. On a perfectionné ce dernier procédé en faisant passer les matières désagrégées par ce lavage sur du mercure qui retient l’or à l’état d’amalgame.

En Europe, les minerais aurifères sont pauvres et les plus renommés, ceux de Hongrie et de Transylvanie, couvrent à peine les frais d’exploitation. C’est dans les Amériques que l’or est pour ainsi dire répandu en pro-