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PAP
1951

« Les évêques en vinrent à ce point de vilenie, qu’ils se firent des rentes avec la luxure de leurs prêtres. Ils permirent, en effet, aux prêtres d’entretenir des concubines chez eux pourvu qu’ils payassent une amende à eux, évêques. » (Concile de Lillebonne, 1080, canon 5e.)

Le concile de Pavie en 1020 dit dans son canon 3e :

« Les fils et les filles de tous les clercs, sans exception, qui sont nés d’une femme libre, quelle qu’elle soit, et quel que soit le genre d’union de cette femme (mariage ou concubinage), tous ces fils et filles, avec tous les biens qu’ils ont reçus de n’importe quelle main, appartiendront comme serfs à l’église de leur père, et jamais ils ne pourront être affranchis du servage de l’Église. » « Les femmes qui, dans l’enceinte de Rome, se seront prostituées à des prêtres, appartiendront au palais de Latran comme esclaves. » (Décret du pape Léon IX, Concile de Rome, 1051.)

xiie siècle. — Les scandales des siècles précédents atteignent de telles proportions, qu’on ne compte pas moins de onze conciles réunis pour les flétrir et provoquer des ordonnances qui resteront lettre morte. (Conciles de Londres, 1102, 1108 ; Latran, 1123 ; Londres, 1125, 1127, 1129 ; Latran, 1139 ; Londres, 1175 ; Latran, 1179 ; Rouen, 1189 ; Dalmatie, 1199. Le concile de Latran, 1179, canon 11e, constate que les clercs sont infectés d’un vice contre nature.)

xiiie siècle. — « Aucune plaie de l’Église, à l’exception de l’incontinence, ne fut plus étendue ni plus envenimée que celle de Simonie. On compterait difficilement les évêques déposés pour ce crime par les papes ou par leurs légats ; le nombre des prêtres échappe à l’histoire, à la faveur de leur subalternité. L’Église était envahie par la concupiscence des yeux et par l’orgueil de la vie. » (Abbé Guyot, loc. cit. t. II, p. 26.)


xive siècle. — Le grand schisme d’Occident (1378 à 1417). Il y eut un Pape à Rome et un Pape à Avignon.

« Combien est grand le nombre des clercs qui attendent une place ! Mais quelle est la valeur de ces gens qui accourent de toutes parts et offrent leurs services ? Ce n’est pas de l’école ni des études libérales, mais de la charrue et des œuvres serviles qu’ils venaient pour obtenir l’administration des paroisses et des autres bénéfices. Ils ne comprenaient guère plus le latin que l’arabe ; que dis-je ? Ils ne savaient pas lire, ô honte ! ou ils savent à peine distinguer un alpha d’un bêtha… »

« Aujourd’hui, un homme inoccupé, ayant horreur du travail ou désirant riboter dans l’oisiveté, court-il au sacerdoce et l’acquiert-il ? Sur le champ il se joint aux autres prêtres, sectateurs de voluptés, qui, plus Épicuriens que Chrétiens, fréquentent assidûment les cabarets et consument tout leur temps à boire, manger, dîner, souper, ainsi qu’à jouer aux dés et à la paume. Plongés dans la crapule et l’ivrognerie, ils se battent, ils crient, ils font du tapage et de leurs lèvres souillées ils jurent le nom de Dieu et des saints. Quand le calme est enfin venu, ils passent des bras de leurs concubines à l’autel de Dieu. »

« Leur zèle et leurs convoitises sont pour l’argent ; ce qu’ils cherchent avec ardeur, ce n’est pas le profit des âmes, c’est celui de leur bourse. L’amour de l’argent les enflamme ; la piété consiste à gagner de l’argent ; ils ne font rien sans calculer si leur acte les aidera à récolter de l’argent en quoi que ce soit ; l’argent les jette dans les altercations, les luttes, les querelles et les procès ; ils supportent beaucoup plus philosophiquement la perte de dix mille âmes que celle de dix à douze sous. »

« Par respect, je ne dirai pas grand chose des couvents de femmes : lorsqu’on doit parler, moins d’assemblées de vierges vouées à Dieu, que de lieux infâmes, de roueries d’impudentes courtisanes, de lubricité et d’in-

ceste, il ne convient pas de s’étendre longuement. Que sont, en effet, aujourd’hui les couvents de jeunes filles ? Hélas ! ce ne sont point des sanctuaires de Dieu, mais d’exécrables lupanars de Vénus ; ce sont des bouges où les jeunes débauchés viennent assouvir leurs impudiques passions. Aussi, aujourd’hui, faire prendre le voile à une jeune fille est-il la même chose que la vouer à la prostitution. »

« Les cardinaux, ces assesseurs du Pape, ont une telle insolence dans l’air, les paroles et les gestes, que si un artiste voulait peindre l’orgueil en personne, il ne pourrait pas choisir de meilleur modèle qu’un cardinal… Quant au Pape, il distribuait les évêchés vacants et les principales dignités de l’Église à des jeunes gens, élégants et parfumés, qui lui servaient de mignons. » (Nicolas de Clemangis, archidiacre du diocèse de Bayeux, directeur du collège de Navarre, en 1435 ; De corruptio Ecclesiæ statu, édition J. Martini Lydius, Leyde, 1613. Cap. VI, XIV, XVI, XXIII, X. 1 ; XXVII, 5.)

xve siècle. — « Le pape (Jean XXIII) s’est souillé d’incestes avec la femme de son frère et avec de saintes religieuses ; il a défloré des vierges, commis des adultères et des crimes odieux qui, jadis, firent descendre la colère de Dieu sur cinq villes. » (Concile général de Constance, 1414, qui articula contre ce pape soixante dix griefs.)

xvie siècle. — Alexandre VI Borgia. (D’une prostituée, Vanozza, il a quatre fils et une fille, la célèbre Lucrèce Borgia.)

« Alexandre ne pouvait se délivrer des malheurs domestiques qui troublaient toute sa maison, et qui étaient accompagnés d’exemples tragiques d’amour et de cruauté qui font horreur aux nations les plus barbares ; car, comme, dès le commencement de son pontificat, il avait résolu d’élever le duc de Candie, son fils aîné, au suprême degré de grandeur temporelle, le cardinal Valentin (César Borgia, duc de Valentinois, qui avait beaucoup d’éloignement pour le sacerdoce et plus de penchant pour la guerre) ne put souffrir de voir que son frère lui fût préféré ; il était d’ailleurs chagrin de voir que son frère aîné avait plus de part que lui aux bonnes grâces et aux faveurs de leur sœur Lucrèce ; de sorte qu’animé par cet amour déréglé et par son ambition, deux passions qui entraînent également à toutes sortes de scélératesses, il fit assassiner le duc son frère, un soir que ce dernier se promenait à cheval dans les rues de Rome, et fit jeter secrètement son corps dans le Tibre. Outre cela, le bruit s’était répandu (si on peut ajouter foi à une pareille énormité) que non seulement les deux frères étaient coupables d’inceste avec leur sœur Lucrèce, mais que le père lui-même en était aussi coupable… » Et, jaloux d’Alphonse d’Aragon, mari de Lucrèce, le pape et le cardinal César le font assassiner.

Hic jacetin tumulo Lucretia nomine, sed re
Thaïs, Alexandri filia, spousa, nurus.

« Ci-gît, dans le tombeau du nom de Lucrèce, mais en réalité, Thaïs, fille, épouse et bru du pape Alexandre. » (Extraits d’Alex. Gordon (Fragments secrets de Guichardin). Vie d’Alexandre VI, t. II, p. 139-144 ; t. II, p. 83 ; t. I, p. 255. Trad. franç., Amsterdam, 1732, 2 vol. in-12. On trouvera les fragments secrets de Guichardin dans l’édition Panthéon, appendice 20.)

« Les exemples scandaleux et les crimes de la Cour de Rome ont été cause que l’Italie a perdu entièrement tous les principes de la piété et tout sentiment de religion. Nous autres Italiens, nous avons cette première obligation à l’Église et aux prêtres d’être devenus des impies et des scélérats ! » (Machiavel, Discours sur la première Décade de Tite-Live, liv. I, ch. l2.)

Pour dédommager le lecteur de cette nomenclature