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PAP
1953

« neveu » dont les services intimes leur sont précieux….

Les fidèles catholiques n’en doivent pas moins se prosterner aux pieds de leurs saints pasteurs et vénérer les souverains pontifes, ministres et représentants de Dieu sur la terre !

Un bon croyant ne doit-il pas renoncer à tout jugement personnel et s’en rapporter aveuglément à la hiérarchie ecclésiastique ?

Le cardinal Bellarmin (dont les Jésuites sont parvenus à faire un saint) n’est-il pas allé jusqu’à prétendre « que si le pape se trompait en prescrivant des péchés et prohibant des vertus, l’Église serait obligée de tenir les péchés pour bons et les vertus pour mauvaises, si elle ne voulait pas pécher contre la conscience », (Si autem papa erraret proecipiendo vitia, vel prohibendo virtutes, teneretur Ecclesia credere vitia esse bona et virtutes mala, nisi vellet contra conscientiam peccare. De Rom. pontif., 4, 5, éd. Paris 1643, p. 456). Cité par le chanoine J. de Doellinger, La Papauté, p. 194.

Richesse et avidité des Papes. — Pour vivre dans la paresse et dans les jouissances, les Papes ont toujours recherché l’argent. Et ils se sont entourés de richesses, revêtus de costumes somptueux, afin de frapper l’imagination des simples et de leur imposer plus facilement leur lourde tyrannie.

Il est bon que l’on connaisse la cupidité des représentants du Christ — de ce Christ vagabond qui vivait de mendicité !

Ces représentants, pour accroître leur prestige, se parent comme des idoles. Leurs vêtements, leurs chaussures, etc…, sont d’une somptuosité inouïe.

Quelques exemples :

« J’ai vu des mules (chaussures du pape), dont les croix étaient en brillants et qu’on estimait cent mille francs (il s’agit de francs-or, bien entendu). » Armand Dubarry, Histoire de la Cour de Rome.

Le même auteur ajoute que la mitre de Boniface VIII avait coûté 9.500 florins-or, soit cent mille francs-or (cinq à six cent mille francs-papiers). Elle pesait dix livres.

Le Pape Léon X acheta à un joaillier vénitien une perle de 350.000 francs.

La tiare de Paul II (1464-71) valait 2.500 écus, soit un million 70.000 francs-or, ce qui représenterait vingt millions de francs d’aujourd’hui, en raison, non seulement de la dépréciation des monnaies, mais du renchérissement considérable de la main-d’œuvre et des matériaux.

Lors de la prise de Rome par le connétable de Bourbon, le célèbre artiste Benvenuto Cellini fut chargé de briser les tiares, afin de cacher les pierres précieuses et les joyaux plus facilement.

En 1831, Grégoire XVI, craignant l’émeute, fait enterrer sa tiare au pied d’un arbre, dans son jardin. Son successeur Pie IX fit de même en 1848. Le premier mouvement de ces bons apôtres consiste toujours à sauver la caisse !

On écrit des merveilles de leurs chaussures : Souliers de soie bordés et brodés d’or, de maroquin rouge avec talons rouges et ornements en or massif, de lin ou de laine blanche, mules avec croix d’or et pierres précieuses, etc….

Voici la description de la tiare, donnée par Mgr Battandier dans l’Annuaire pontifical : « La tiare est formée d’un feutre très fin recouvert d’un tissu à mailles d’argent fabriqué exprès à Rome. L’intérieur est doublé en soie. C’est sur ce feutre que sont attachées les trois couronnes d’or, excessivement légères pour diminuer le poids. Chaque couronne se compose d’un bandeau d’or orné de pierreries et terminé par deux rangées de perles. Chaque rangée en contient 90, ce qui fait en tout 540 perles. Au-dessus du bandeau est la cou-

ronne ou mieux les fleurons formés d’un feuillage imitant une croix. Il est séparé de l’autre par un petit cercle d’or avec pierres précieuses, ce qui lui donne l’aspect de la couronne héraldique de duc. L’ornementation de la tiare est basée sur la forme octogone, c’est à-dire qu’il y a 8 fleurons : 4 émeraudes, 3 saphirs, 1 rubis. Les 8 pointes entre les fleurons ont 6 grenats et 2 rubis.

Deuxième couronne : 10 émeraudes, 24 rubis balais, 3 saphirs, une chrysolithe, 2 aigues-marines et 2 fils de perles.

Troisième couronne : 3 hyacinthes, 2 émeraudes, 19 rubis, 4 saphirs, 3 aigues-marines, 9 grenat, une chrysolithe et 2 fils de perles orientales.

Le sommet de la tiare est couvert d’une feuille d’or avec 8 rubis et 8 émeraudes. Sur elle s’appuie un globe d’or émaillé en bleu, surmonté d’une croix composée de 11 brillants.

Les fanons de la tiare, qui retombent sur les épaules du pape, portent 2 rubis, 4 topazes et 4 émeraudes.

En tout : 6 rangs de perles orientales, 146 pierres précieuses de couleur et 11 brillants.

Je m’excuse de cette énumération. Elle n’est pas inutile. Que de misères et de souffrances le Pape, s’il était sincère, pourrait soulager, avec la fortune qu’il porte sur la tête, comme un potentat oriental ou comme un comédien !

Le Christianisme a été fondé par des pauvres, soutenu par des misérables et il tire toute sa force morale de l’adhésion des malheureux. Et cependant, c’est au Vatican que l’on trouve les plus grandes richesses du monde, accaparées par une caste d’intrigants parasites et jouisseurs !

Doellinger fait la description de la Cour de Rome en 1518. Toutes les places d’employés de la Curie étaient vendues très cher — car elles permettaient de rafler de beaux bénéfices. Le nombre des référendaires n’était pas limité. Il y avait 101 solliciteurs, 101 maîtres des archives, 8 scribes des suppliques, 12 scribes du registre, 27 scribes de la pénitencerie, 81 scribes des Brefs, 104 collecteurs des plombs, 101 scribes apostoliques, 13 procurateurs, 60 abbreviatores de parco minori, 12 abbreviatores de parco majori, 12 avocats consistoriaux, 12 auditeurs de Rota (desquels il est dit qu’ils se contentaient des pourboires), 19 notaires, 29 secrétaires, 7 clercs de la Chambre. Environ 800 dévorants dont le principal souci consiste à rafler le plus d’argent possible, pour rentrer d’abord dans leur mise de fonds et pour s’enrichir ensuite, ainsi que leurs parents et leurs créatures…..

M. Young, (La France et Rome, cité par de Meissas), déclare qu’au xviie siècle, il y avait 250 fonctionnaires pontificaux, dont certains payaient leurs charges jusqu’à 180.000 francs….

Les frais d’administration du Palais du Vatican coûtaient, à eux seuls, 7 millions de francs-or par an. Il fallait donc que les Papes trouvent des ressources considérables.

Par la loi des Garanties (1871), le Gouvernement italien avait offert au Pape une subvention perpétuelle de 3.225.000 lires. La Papauté refusa.

Les accords du Latran (février 1929) sont plus généreux encore, puisque le Saint-Siège recevra 750 millions de lires en espèces et un milliard de lires en dette consolidée 5 % au porteur. On a calculé que cela représentait, au cours de la lire, plus de 4.800.000 dollars (120 millions de francs). Il faut y ajouter les revenus que le Vatican possédait déjà, soit plus de 2 millions de dollars. Au total : 170 millions de francs.

Des ressources aussi formidables (et nous ignorons le chiffre exact des sommes que le Pape reçoit, depuis la guerre surtout, des grands banquiers américains, qui le couvrent littéralement d’or), permettront à l’Église de poursuivre dans les meilleures conditions son