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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/178

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LIVRE viii.

que je supporte plus volontiers. Si elle m’éloigne de ma patrie, du moins elle me fait connaître le plus généreux de tous les rois.

À ces mots, Idoménée embrassa tendrement Télémaque ; et, le menant dans son palais, lui dit : Quel est donc ce prudent vieillard qui vous accompagne ? Il me semble que je l’ai souvent vu autrefois. C’est Mentor, répliqua Télémaque, Mentor, ami d’Ulysse, à qui il avait confié mon enfance. Qui pourrait vous dire tout ce que je lui dois !

Aussitôt Idoménée s’avance, et tend la main à Mentor. Nous nous sommes vus, dit-il, autrefois. Vous souvenez-vous du voyage que vous fîtes en Crète, et des bons conseils que vous me donnâtes ? Mais alors l’ardeur de la jeunesse et le goût des vains plaisirs m’entraînaient. Il a fallu que mes malheurs m’aient instruit, pour m’apprendre ce que je ne voulais pas croire. Plût aux dieux que je vous eusse cru, ô sage vieillard ! Mais je remarque avec étonnement que vous n’êtes presque point changé depuis tant d’années, c’est la même fraîcheur de visage, la même taille droite, la même vigueur : vos cheveux seulement ont un peu blanchi.

Grand roi, répondit Mentor, si j’étais flatteur, je vous dirais de même que vous avez conservé cette fleur de jeunesse qui éclatait sur votre visage avant le siège de Troie ; mais j’aimerais mieux vous déplaire, que de blesser la vérité. D’ailleurs je vois par votre sage discours, que vous n’aimez pas la flatterie, et qu’on ne hasarde rien en vous parlant avec sincérité. Vous êtes bien changé, et j’aurais eu de la peine à vous reconnaître. J’en conçois clairement la cause ; c’est que vous avez beaucoup souffert dans vos malheurs : mais vous avez bien gagné en souffrant, puisque vous avez acquis la sagesse. On doit se consoler aisé-