Page:Feraud - Dictionnaire critique de la langue française, T1.pdf/17

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
xij PRÉFACE.


se. Ce qu’on fait remarquer être contre les règles et l’usage les fait bien mieux conaître : la meilleure manière de les inculquer dans l’esprit, c’est de citer des phrâses où elles sont violées. ([1]) Que si l’on trouvait mauvais que nous ayions étendu notre critique jusque sur nos plus grands Écrivains, nous troûverions notre justification dans ce que dit Bouhours : “ L’exemple des bons Écrivains est plus contagieux que celui des aûtres ; et l’on ne sauroit trop se précautioner contre certaines locutions, qui, toutes méchantes qu’elles sont, pâssent pour bonnes, parcequ’elles se troûvent dans d’excellens Livres. ” = Les Traductions ne fournissent pas moins que les Vers une riche Récolte de Remarques critiques. On peut le dire surtout de celles des Livres Anglais, qui se multiplient journellement. Quelque habile que soit un Traducteur, il ne se tient pas toujours en garde contre la sourde influence de la Langue étrangère, dans laquelle est écrit l’Ouvrage qu’il traduit ; et, sans trop s’en apercevoir, il en fait pâsser les tours et les expressions dans la copie qu’il en fait. L’Histoire d’Angleterre, composée en Anglais par M. Hume et traduite en Français en partie par l’Abbé Prévot et en partie par Mde. B… en est une preûve frapante. Cette Traduction, écrite d’un style coulant et quelquefois élégant, fourmille d’Anglicismes ; et elle a fourni à ce Dictionaire un grand nombre d’articles. Que dirons-nous de ceux, qui aprènent l’Anglais en traduisant, et donent ensuite au Public leurs versions d’écolier. On leur reproche de faire leurs traductions à coups de Dictionaires. Il serait à souhaiter qu’ils les consultassent plus souvent : ils éviteraient des expressions et des constructions étrangères, qui sont de vrais barbarismes dans notre Langue.

Parmi ce grand nombre de Remarques de toute espèce, plusieurs paraîtront minucieuses, plusieurs triviales, plusieurs inutiles, plusieurs trop souvent répétées : mais nous prions les Gens de Lettres de faire atention que ce Dictionaire est spécialement destiné à l’instruction des étrangers, des jeunes gens, des Habitans des diférentes Provinces ; et que ce qu’il a de particulier et de plus utile est l’aplication en détail des principes, et des règles générales ; ce qui ne peut se faire sans répétitions.

Néologismes.

VI. La fureur du Néologisme a saisi les meilleurs esprits, et non seulement dans les mots, mais dans les expressions composées, dans les régimes, les tours de phrâse, etc. Il y a peut-être deux mille mots nouveaux, qui se sont éforcés de s’introduire dans notre Langue depuis vingt ans. Un assez grand nombre ont été déjà adoptés par l’Usage. Plusieurs, qui ne le seront peut-être jamais, sont dans des Livres fort répandus. Nous les avons insérés dans ce Dictionaire avec des remarques.

Gasconismes, etc.

VII. Quant aux Gasconismes, aux Provençalismes, aux Normanismes, et aûtres locutions et manières de parler vicieûses, qui sont particulières aux diférentes Provinces, il entrait dans notre plan de les relever ; et nous en avons fait conaître le plus qu’il nous a été possible. Il fut un temps, où nous aurions pu rassembler aisément un grand nombre de remarques en ce genre. Aujourd’hui, nous ne pouvons qu’inviter les Gens de Lettres, répandus dans les Provinces, à entreprendre, en faveur de leurs compatriotes, ce travail peu pénible et vraiment utile, comme a fait M. Desgrouais, dans ses Gasconismes corrigés. = Nous ôsons encôre exhorter les Litérateurs zélés des aûtres Nations à faire pour leurs Langues respectives ce que nous avons fait pour la nôtre, et à nous rendre le même service, que nous nous sommes proposé de leur procurer à eux-mêmes.

Réponse à quelques Objections.

VIII. Il nous reste, en finissant cette Préface, à répondre à quelques Objections et à quelques Critiques, que nous avons déjà essuyées depuis la distribution du Prospectus ; et à prévenir en partie celles que nous ne manquerons pas d’essuyer dans la suite. = 1°. La pre-

  1. (*) En fait de Gramaire, l’exposition des fautes est plus utile que celles des Préceptes ; et c’est par-là que le travail d’un Ecrivain éclairé seroit très-avantageux aux Provinces méridionales du Royaume. L’Ab. Sabatier, Trois siècles, etc. Art. Desgrouais.