Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/436

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418 APPENDICE. peu de ses devanciers, Castalion avait sous les yeux la version d’Oli· vetan ‘, nous disons l’Olivetan de 1535. Il a rarement, mais certaine- ment, mis 21 profit * la revision de 1553, achevée d`imprimer le 9 juin. III ne LA Tnanucrxox : 1° VALEUR DE LA LANGUE Il est temps de faire connaître la traduction elle-même. Castalion a lui-même expliqué qu’il la destinait « aux idiots », c’est-a-dire au simple peuple, et que, pour ce public non érudit, il avait jugé absolument néces- saire « d'user des mots françois quand il en a pu trouver » et, dans le cas contraire, « d’en forger par nécessité », comme brztlage pour holo- causte, rogncr pour circoncire, etc. C’est donc d’abord la question de la langue adoptée par lui qui nous occupera. Dans ce grand siècle fécond et créateur, on ne doute de rien, on va au-devant des obstacles que la sagesse ordonnerait d’éviter. Ronsard essaie de soumettre la langue a ses caprices. C’est dans le même travers qu’était tombé Castalion; une pointe de bon sens manquant à ce grand cœur, a ce libre et mystique esprit, il se crut permis de violenter la langue française, dont il ne possédait qu’imparfaitement le vocabulaire, n’ayant jamais guère parlé que le patois de la Bresse, et n’entendant plus que l’allemand depuis dix` ans qu’il était a Bâle. Les néologismes et le patois ont donné a sa Bible française une nuance de ridicule. Voici presque en entier la Déclaracion de certains mots, qui se trouve à la fin de cette Bible : Appaisoir, c’etoit le couvercle de l’arehe des oracles, et ét dit. appaisoir à cause que Dieu y etoit appaise. . Arrièrefemme. Les Ebrieux avoint plusieurs femmes, comm’ont encor aniourdhui les Juifs e les Turcs, dont les unes etoient prineipalles e mai- tresses, les autres etoint servantes e suiettes, lêquelles on nomme con- cubines. Mais pour ce que concubines en François se prend en la mauvaise part, i’ai mieux aime forgcr ce mot arrierefemme, de peur qu’on ne pensat qu’Abraha1n eJaCob e autres eussent eu femmes qui ne fussent lcgitimes. Aitantpeau, ie le mets pour cc qu’on appelle en latin preputiunz, cet a dirc la peau qui couvre le bout du membre de l’homme, laquelle les cirurgiens appellent le chapeau zmais ie ne l’ai pas voulu ainsi nommer, de peur qu’on ne le print pour autre, ains ai forge vn mot sur le mot aleman varhaut. Brulage, une maniere de sacrifice en laquelle on hruloit toute la chair, en grec on l’apDelle holocauste, de la vient brulager. I3rulm·d, un serpent duquel la morsure fait une cuîson brulante. Companage, certaine offrande qui se fait soit de farine e autres choses sans sang. Dczîlre, faux dieu. ` De/`or/`aite, sacrifice pour le forfait. De là vient deforfaire. _ Dessacrer, mettre en vsage vne chose qui etoit sacrée. Entrailleurs, gens qui cleuinoint par les entrailles des bêtes, en latin ams- pices. Empelle', qui a Pavantpeau; s’empelle7·, la se faire revenir. — 1. C‘est la qu`il a pris « les yeux éblouis » de Gen., XXXVII,1 (mauvaise traduction de tikclufna); le « nerf de fer ¤> d'Esaîe, XLVIII, ii; le Ps. ll, 7, etc. 2. Ps. V, 7 : ne Tu n'es pas un Dieu qui aime méchanceté (au lieu de vcull) ; I Cor., ll, 10, « Dieu ~le nous a révélé »; toutes les versions antérieures portent le pluriel les, etc.