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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

ment politique à l’arbitraire et à l’indifférence. Quelquefois on en a seulement l’air, on crie propos des tendances viles, et séculières de l’État, on se plaint de son injustice, de sa force brutale, de la fougue désordonnée de ses passions mondaines comme si elles étaient ce qui doit y prédominer ; quelquefois aussi on veut par là gouverner religieusement, c’est-à-dire de par l’Église, au lieu de le faire de par le droit. Dire à un opprimé : Tu dois te consoler, tu dois ne pas sentir la tyrannie qui pèse sur toi, tu dois toujours regarder la religion serait une mauvaise plaisanterie ; or, de même la religion est capable de prendre une forme tellement âpre, qu’il s’ensuit un esclavage des plus durs, une servitude hideuse, accompagnée des chaînes de la superstition et de la dégradation au dessous de la bête. Pour contrebalancer cette extrémité, il faut qu’il subsiste un pouvoir, qui prend vigoureusement en main les droits de l’intelligence et de la conscience du moi : c’est l’État politique. » « La religion, il faut l’avouer, porte en elle le sentiment de l’essence universelle, mais sans que celle-ci puisse se manifester d’une façon précise et concrète, la religion voudrait poser toutes les choses comme des choses accidentelles, qui émergent et submergent, qui viennent et vont. Ceux qui s’obstinent à maintenir la religion contre l’État, ressemblent à un individu auquel son médecin venait d’ordonner des fruits : on lui apporte des cerises, des poires, des pommes, et il les refuse en disant voilà bien des pommes, des poires, mais où tout donc les fruits ? »

« Si malheur l’État se soumet, s’il reconnaît la forme religieuse comme la sienne propre, alors c’en est fait de lui, il a perdu son essence ; d’organisme qu’il était, combiné de mille institutions et lois, il vient de tomber dans le chaos. » — « Il n'y a rien de plus affreux que cette passion capricieuse, qui sous le nom de fanatisme détruit toute institution politique comme indigne de l’amour et du sentiment. » — «  Les gens qui cherchent le Seigneur, qui d’après leur opinion barbare possèdent déjà tout immédiatement, sans s’imposer le travail de rompre leur subjectivité rebelle aux pénibles recherches du vrai, du droit et du devoir objectifs, ne peuvent faire rien autre chose que de détruire tous les rapports de la vertu ; ces gens-là n’engendrent que le mensonge et la niaiserie, et pour se rendre forts ils en appellent aux atrocités. Voilà les conséquences nécessaires d’un sentiment religieux qui tient opiniâtrement à sa <references