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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

mentale dans l’exagération mystique de nos sentiments naturels. De là tant de phénomènes dans l’histoire de la chrétienté, qui auraient été psychologiquement impossibles dans le paganisme classique. Il faut enfin commencer à considérer le christianisme sous le point de vue pathologique, et non pas toujours sous celui de la physiologie. Comment, le genre humain aurait été malade pendant deux mille années ! C’est possible, et cela ne fait rien : ses journées se comptent par les siècles des individus. Ne perdez pas le courage pour cela : si vous avez compris la grande et maladie chrétienne, n’allez pas retomber dans celle du paganisme, mais faites un pas en avant, voyez si le temps des maladies qui accompagnent le développement du genre humain, de cet homme collectif, n’est pas enfin passé.

Un attribut essentiel de cet amour subjectif et personnel est d’être exclusif, jaloux, puisque son objet est l’Être Suprême, qui est au-dessus de tous les autres êtres. « Tiens-toi donc à côté de Jésus, le Dieu des chrétiens, dans ta vie et dans ta mort ; confie-toi dans sa fidélité : lui seul peut t’aider, si tout le monde t’abandonne ; ton bien-aimé a cela de particulier, qu’il ne peut souffrir près de lui aucun rival ; lui seul veut posséder ton cœur, il veut gouverner tout seul dans ton âme comme un roi sur le trône. » — « Que ferais-tu du monde sans ton Christ ? vivre sans le Christ, est un tourment d’enfer ; vivre avec le Christ, est la félicité céleste. » « Tu ne saurais exister sans ami, mais tu seras éminemment triste et affligé, si l’amitié du Christ n’est pas tes yeux plus que tout le reste. » — « Aimez tous, à cause de Jésus ; aimez Jésus, à cause de lui : Jésus seul est digne d’être chéri. » — « Mon Dieu, mon Amour (mon Cœur), tu es tout à moi, je suis tout à toi. » — « L’amour espère toujours en Dieu, aussi quand Dieu ne lui sourit pas (littéralement : non sapit, s’il lui est d’un goût amer), car sans douleur point d’amour. » — « Pour le bien-aimé, tu dois supporter tout, même ce qu’il y a de plus dur et de plus amer. » — « Mon Dieu, tu es tout ce que j’ai.  » — « En ta présence tout est doux pour moi, en ton absence tout m’est dégoûtant et amer ; sans toi, je n’ai plaisir à rien. » — « Ah ! quand enfin viendra-t-elle, cette heure tant désirée, où tu me rempliras entièrement de ton être présent, où tu me seras tout en tout ? Jusque-là, ma joie n’est qu’une joie imparfaite. » — « Jamais je ne me trouvai