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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

bien la Personnalité, l’individu par excellence ; de là enfin l’immortalité personnelle de l’homme chrétien.

La croyance à l’immortalité personnelle est donc parfaitement identique avec celle à un Dieu personnel, ou — ce qui revient au même — le Dieu chrétien est sur un côté de l’équation, et la croyance à l’immortalité personnelle sur l’autre ; la valeur de cette équation s’appelle : essence de la personnalité absolue et illimitée. Dieu, c’est la personnalité illimitée, sans bornes ni mesure ; la personnalité chrétienne dans le ciel est, de même, une personne débarrassée de toute sorte d’obstacles, de bornes, de mesure terrestres. Ainsi ce Dieu et le ciel sont identiques ; seulement sous forme de Dieu vous posez abstraitement ce que vous posez, sous forme de ciel, comme un objet de votre imagination, ou, l’imagination ne se rapportant qu’aux choses physiques, comme un objet de vos sens. Votre Dieu, c’est le Ciel spiritualisé ; votre Ciel chrétien, c’est Dieu imaginé, Dieu matérialisé. Votre Dieu est donc l’essence ou la notion de votre vie céleste, absolue et bienheureuse, mais cette notion personnifiée. La vérité de ce que je viens de dire. résulte aussi de l’article de foi qui appelle la vie d’outre-tombe union avec Dieu. En d’autres termes, ici-bas nous sommes des hommes, là-haut nous serons des dieux ; ici-bas nous sommes séparés de Dieu, là-haut toute barrière entre lui et nous tombe ; ici-bas la divinité est un monopole, là-haut un bien commun ici-bas une unité abstraite, là-haut une multiplicité concrète, réelle. Luther : « L’autre homme (comprenez-vous ? je dis l’autre) va être renouvelé dam la vie spirituelle, il sera donc un homme spirituel, après être arrivé de nouveau à l’image de Dieu, et il sera égal à ce Dieu en action, en justice, en sagesse (I, 324). Augustin dit, chez Pierre Lombard (II, 38, c. 1) : Finis autem bonae voluntatis beatitudo est, vita aeterna ipse Deus. Et dans les écrits apocryphes de saint Bernard on trouve le passage suivant (De vita solidaria) : « Bene dicitur quod tunc plene videbimus eum sicuti est, cum similes ei erimus, hoc est erimus quod ipse est ; quibus enim potestas data est filios, Dei lieri, data est potestas, non quidem ut sint Deus, sed sint tamen quod Deus est (une distinction illogique, mais qui ne manque pas d’une apparence de profondeur). » « Sint sancti, futuri plene beati quod Deus est ; nec aliunde hic sancti, nec ibi futuri beati, quam ex Deo qui eorum et sanctitas et beatudo est. »