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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

d’accepter les exemples, doit renoncer au droit de douter du dogme central.

La doctrine protestante et la doctrine catholique contredisent également la raison. Écoutez, par exemple, Luther : « On ne peut participer au corps du Christ que de deux manières, soit corporellement, soit spirituellement. Et cette communion corporelle ne saurait être perceptible à nos sens ; s’il en était autrement, il n’y aurait plus de pain. D’un autre côté, ce pain n’est point du pain vulgaire, nous ne voulons point une communion du pain, mais du corps du Christ : d’où il faut inférer que le corps du Christ est réellement et corporellement, bien que non visiblement, là où le pain sacré existe (XIX, 203). » — « Nous sommes convaincus, dit-il (p. 393), que dans l’Eucharistie, nous autres protestans mangeons réellement le corps du Christ ; seulement nous ne savons pas, et nous n’avons pas besoin de savoir comment cela se fait. » — « Et si tu veux être un bon chrétien, ne fais pas comme les fanatiques (c’est-à-dire les insurgés politiques et religieux, sous Munzer, Karlstad, Storck et autres), qui demandent toujours comment le vin puisse être du sang et le pain de la chair (XVI, 220) ; » ou, comme Melanchthon l’exprime : « Cum retineamus doctrinam de præsentia corporis Christi, quid opus est quærere de modo (Vita Melanch., Camerarius, ed. Strobel. 1777, p. 446) ? » Ainsi, les protestans et les catholiques en appellent également à la toute-puissance divine, qui est la source et l’appui de toutes les opinions contraires à la raison. Voyez Luther, XIX, 400, et Concord. summ., art. VII, aff. 3, negat. 13. Ce Livre de la Concorde fournit en outre (art. VII) un exemple délicieux, un exemple incomparable de supranaturalisme théologique, quand il établit une différence entre oralement et charnellement (naturellement) : « Nous croyons, enseignons et confessons, que la chair et le sang du Christ sont reçus, dans l’Eucharistie, avec le pain et le sang, non-seulement d’après l’esprit, par la foi, mais aussi par la bouche ou oralement : cela n’a toutefois lieu que d’une façon surnaturelle ou céleste. » Cette hypocrisie (objective, bien entendu ; mon livre ne daigne pas s’occuper de l’hypocrisie subjective ou personnelle) est plus évidente encore dans le passage suivant de Jo. Fr. Buddéus (1. c., V, c. 1, paragr. 15) : « Probe namque discrimen inter manduca-tionem oralem et naturalem tenendum est. Etsi enim oralem man-