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ÉTAT LITTÉRAIRE DE L’EUROPE.

garder avec une jalouse et étroite rigueur toutes les avenues qui pouvaient laisser pénétrer jusqu’à nous les premières et fraîches haleines de la Renaissance italienne.

Tel était dans ses traits les plus généraux l’état littéraire des trois grands pays de l’Europe quand naquit Érasme. Comme Laurent Valla en Italie, Budé en France, Antonio de Lebrixa en Espagne, il devait être en Allemagne le plus illustre représentant de ces humanistes qui, en introduisant un élément de civilisation antique dans la société du moyen âge, telle que l’avait façonnée la double influence du catholicisme romain et des mœurs germaniques, ont contribué à donner à l’esprit moderne sa physionomie propre.

Ceux qui aiment à remonter, dans la vie des hommes célèbres, aux premières influences qui ont pu agir sur leur caractère, marqueront avec curiosité le milieu qui vit naître Érasme. Son père, neuvième enfant d’Élie et de Catherine, se nommait Gérard. Malgré le silence d’Érasme, on dit qu’il ne manquait ni d’esprit ni d’instruction[1]. Son goût pour la plaisanterie lui avait fait donner le surnom de Praët, mot hollandais qui signifie facétieux. Il était citoyen de Gouda, ville de la Hollande méridionale, placée dans une riante situation, et dont les habitants étaient réputés d’un caractère aimable et de relations faciles. Ce fut là qu’il séduisit celle qui devint la mère d’Érasme, et que l’histoire ne connaît que sous le nom de Marguerite. Elle était fille d’un médecin de Zevenbergen, ville du Brabant, à trois lieues de Breda. La naissance d’Érasme avait été précédée de

  1. Le biographe Scriverius dit du père d’Érasme : « Græce et latine pulchre calluit, in juris peritia non vulgariter perfecerat. Audivit Guarinum. Onmes auctores sua manu descripserat. »