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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

tiplier les citations ; mentionnons plutôt une petite découverte de l’érudition contemporaine. On avait longtemps attribué à Pascal tout l’honneur de ce mot célèbre sur l’immensité de Dieu : « C’est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. » Cette définition sublime est littéralement contenue dans la préface de mademoiselle de Gournay, qui l’a sans doute empruntée à l’un des plus grand docteurs de l’Église, saint Bonaventure, chez qui elle se trouve, ou qui peut-être aussi s’est contentée de la prendre à Gerson ou Rabelais, chez qui elle se lit également.[1]

Une circonstance qui ajouta encore beaucoup de prix au travail de mademoiselle de Gournay et qui mérite notre reconnaissance, c’est que, la première, elle a traduit en français les passages grecs, latins, italiens, cités par Montaigne, et qu’elle en a recherché les sources, non indiquées jusque-là : rude et laborieuse entreprise, où elle n’eut d’autre secours que sa patience et son savoir, Qu’elle se soit trompée sur l’interprétation de plusieurs de ces textes, si multipliés dans les Essais ; qu’elle ait commis des inexactitudes en rapportant leur origine, on n’en saurait donc être surpris. Là-dessus il est très-facile sans doute de relever des fautes de détail ; mais si elle a souvent failli, qui pourrait se flatter d’éviter les faux pas, en pénétrant dans une route semée d’obstacles et inexplorée ? Niceron, qui ne s’abstient pas de critiques particulières,

  1. D’autres écrivains ont encore reproduit cette admirable comparaison, dont Voltaire a eu tort de rapporter l’origine à Timée de Locres. Elle parait appartenir à Empédocle.