Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

valu depuis. Non que la chevalerie n’eût introduit dans les mœurs guerrières en particulier un élément de douceur ou pour mieux dire d’élégance : de là ces courtoisies de chef à chef, témoignages d’estime réciproque dont se plaît à nous entretenir Montluc : « C’est affaire aux Turcs et aux Sarrasins, s’écrie-t-il même, de refuser à son ennemi quelque courtoisie. » Mais ce n’étaient guère que des vertus de parade, qu’un vernis jeté sur ce que la réalité avait de nu et d’affligeant. Au fond, il n’y avait aucune notion distincte, aucune application raisonnée du droit des gens, et Montluc variait à cet égard d’opinion et de conduite au jour le jour. Parlant de la prise de Thionville par le duc de Guise, en 1558, il est bien près de blâmer ce général, qui avait sauvé la ville du pillage ; il plaint du moins les soldats d’avoir perdu une si bonne occasion, car « ils méritaient qu’on leur donnât le sac ; c’est leur ôter le cœur si on ne leur donne quelque curée. » En revanche il rapporte avec plaisir que, peu après et pour les dédommager, le duc de Guise, ayant pris une ville voisine, l’abandonna à leur discrétion.

Ces considérations n’étaient pas inutiles peut-être pour rendre notre appréciation sur de tels sujets plus équitable et plus mesurée. Gardons-nous avant tout de soumettre les hommes d’une époque de lutte au niveau des idées de nos jours, et ces rudes natures à l’uniformité un peu amollie de notre siècle. Laissons-les, pour les bien juger, dans leurs armures de fer, avec leur vie et leurs mœurs dignes de ces armures. C’est ainsi toutefois que notre rôle de biographe devient délicat et difficile,