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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

Ainsi, sous l’influence de ces temps funestes, des exemples et des passions détestables qu’ils propageaient, s’accomplit la transformation de ce vaillant capitaine en une bête féroce qu’on eût dit lâchée contre les ennemis de la royauté et du culte catholique. Telles sont les scènes de violence qui se succèdent constamment dans les derniers livres des Commentaires, si différents des premiers, sans même que l’on y soit soutenu par l’intérêt de la variété ; car ce fond sanglant et brutal ne change plus. Ici ce sont trois bourgeois qui, pour avoir prononcé contre le roi quelques paroles téméraires, sont aussitôt mis à mort. Un adolescent, qui avait aussi partagé la faute de ces bourgeois, lui parut digne de pitié par son âge. Use borna donc, épargnant sa vie, à lui faire donner des coups de fouet, si nombreux par malheur, « qu’il lui fut dit qu’il en était mort au bout de dix ou douze jours après. » Là, devenu maître, à Gironde, d’une troupe de huguenots qui battaient en retraite : « Je les fis attraper, dit-il, et pendre soixante-dix aux piliers de la halle, sans autre cérémonie. » Ailleurs il nous parle d’un puits très-profond et comblé jusqu’aux bords par les cadavres de ses victimes. Si dans ces circonstances il exprime un regret, c’est « qu’il ne pouvait suffire à tuer tout. » Quant aux prisonniers, on a déjà vu « qu’il ne s’en parlait point en ce temps-là. » Loyal observateur de la foi jurée à des étrangers, Montluc ne se fait plus scrupule de la violer envers ses compatriotes. Dans les villes où il est entré par composition, comme dans celles qu’il a emportées d’assaut, tout est également