Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Henriette. — Moi, je trouve 859.

René. — Oh ! nous devons nous être trompés ?

Henriette. — Oui !… comment ça se fait ? Ah ! bien… je sais pourquoi ! Toi tu as commencé l’addition par en haut et moi par en bas ! Voilà !

René. — Ah ! c’est ça !… je commencerai toujours par en bas ! On trouve bien plus !

Henriette. — Enfin tu vois, nous voilà tout à fait riches, nous pouvons donc prendre un petit hôtel… et là nous recevons ! On m’appelle "madame" : (Minaudant.) Ah ! madame, monsieur votre mari va bien ? — Mais très bien, madame… il sera bien désolé de ne pas vous avoir vue… justement il est sorti aujourd’hui ! Il est allé à la guerre. — Ah ! vraiment ? Et vos enfants ? — Mes enfants vont très bien. — Ils doivent être grands ? — Je crois bien ! ma toute chère, l’aîné a huit ans. — Comme ça grandit ! Et il y a longtemps que vous êtres mariée ? Il y a six mois, chère madame, il y a six mois ! et patati ! et patata ! (Parlé.) Ah ! ce sera amusant de faire la dame !…

René. — Et puis il y a le voyage de noces… On s’en va tous les deux tout seuls ! sans la gouvernante, alors ! On est des hommes… et on va très loin… en Italie… en Turquie.

Henriette. — À Saint-Cloud !

René. — Si l’on veut… Ah ! c’est beau d’être libres ! De n’avoir plus à obéir à personne… nous pouvons faire tout ce que nous voulons, maintenant que nous sommes mariés.

Henriette. — Et d’abord, plus de leçons !

René. — Plus de devoirs ! plus rien… (Ils envoient promener leurs livres et leurs cahiers.) Et quand notre institutrice viendra, nous lui dirons : Mademoiselle, nous n’avons plus besoin de vous…

Henriette. — Et allez donc, l’institutrice ! (Chantant.) Dansons la Capucine !

René et Henriette, dansant en rond. —

Dansons la Capucine !
Y a pas de pain chez nous,
Y en a chez la voisine…
On entend du bruit dans les coulisses.

Henriette. — Ah ! mon Dieu ! qu’est-ce que c’est ?

René. — C’est l’institutrice, c’est mademoiselle Schlumann !

Henriette. — Ah ! mon Dieu, et nous ne savons pas nos leçons !

René. — Ah ! bien, nous allons en recevoir ! Vite dépêchons-nous !

Ils prennent chacun leur livre de fables, et se mettent à répéter comme au lever du rideau :

René et Henriette — Maître corbeau sur un arbre perché… maître corbeau sur un arbre perché !…

RIDEAU FIN