Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 4, 1948.djvu/103

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Marcelle. — Aussi ce n’est pas cela que je crains !… Mais, vous savez ce que c’est que la police !… Quand on est entre ses griffes, ce sont des recherches, des enquêtes !… Et alors, il peut tomber entre les mains de mon mari tel ou tel papier qui le mette au courant. Ah ! Pinglet ! Qu’est-ce que nous allons devenir ?

Elle tombe assise sur le canapé.

Pinglet, allant s’agenouiller devant elle. — Voyons ! voyons ! du courage ! (Il l’embrasse.) Qu’est-ce qui m’a donné une petite timorée comme ça ! (Changeant de ton.) Vous avez du noir sur la figure !

Marcelle. — Du noir ?… Moi !… Ah ! mais c’est vous ! C’est vous qui m’avez mis ce noir. (Le conduisant devant la glace.) Vous ne voyez donc pas votre figure ?

Pinglet. — Moi ? (Se regardant dans la glace.) Nom d’un chien ! C’est mon noir d’hier soir ! Mon noir de cheminée !… Eh bien ! cela aurait été heureux pour faire croire à ma femme que je sors de mon lit ! Ouf ! en voilà des tribulations !…

Ils se débarbouillent.

Marcelle. — Ah ! oui ! Quelle nuit, mon Dieu, quelle nuit ! (Changeant de ton.) Après vous, la carafe.

Pinglet. — Eh bien ! oui, quelle nuit ! C’est entendu ! Mais enfin, quoi ! Cela aurait pu tourner plus mal ! Nous aurions pu passer la nuit au poste, comme les autres ! Mais au lieu de cela, le commissaire a eu confiance en nous et il nous a rendu notre liberté provisoire.

Marcelle. — Dame ! C’est parce qu’il a bien vu à qui il avait affaire.

Pinglet. — Oui ! Et puis parce que je lui ai versé un cautionnement de cinq mille francs ! (Montrant sa figure.) Est-ce que j’en ai encore ?

Marcelle. — Là ! Un peu ! près du nez ! (Le tirant par le bras gauche.) Vous avez versé cinq mille francs ?

Pinglet. — Oui !… Je lui avais offert ma parole d’honneur ou un cautionnement de cinq mille francs… Il a préféré le cautionnement, à charge pour moi d’apporter aujourd’hui dans l’après-midi les pièces établissant votre identité.

Marcelle. — Eh ! bien, voilà ! Comme vous ne pourrez jamais apporter des pièces établissant que vous êtes monsieur Paillardin, qu’est-ce qui arrivera ? C’est que le commissaire, ne recevant rien de vous, viendra ici !

Pinglet, s’essuyant toujours. — Mais non, il ne viendra pas ici !… Et, pour ce faire, pas plus tard que tout à l’heure, j’irai chez le Préfet de police.

Marcelle. — Le Préfet de police ?

Pinglet. — Parfaitement ! Mais déjà cette nuit, pendant que vous rentriez chez vous tranquillement…

Marcelle, ricanant. — Ah ! ah ! tranquillement… Non ! tranquillement… c’est un rien !

Pinglet. — Eh ! bien, non ! là ! pas tranquillement !… J’y ai été, moi, chez le Préfet de police.

Marcelle. — Et vous l’avez trouvé ?

Pinglet. — Non ! Il était au bal. Je l’ai attendu jusqu’à sept heures…

Marcelle. — Et à sept heures ?