Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/101

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Rasanville. — Non, j’écris ! voyons, c’est sans doute le cabinet de travail ?

Joseph. — Oui, monsieur.

Rasanville. — Est-ce qu’il est bien ?

Joseph. — Dame ! vous voyez. (À part.) Ah ! c’est vrai, il est myope !

Rasanville. — Je vais. en prendre le plan.

Il tire un carnet de sa poche.

Joseph, à part. — Ah, çà ! c’est un mouchard !… (Haut.) Mais pourquoi faire, monsieur ?

Rasanville. — Mais pour mettre dans mon journal. Ça intéresse le public.

Joseph. — Ah ! c’est pour mettre dans le journal !… C’est différent ! Prenez, monsieur !

Rasanville. — Voyons. (Ecrivant sur son carnet.) Grande fenêtre donnant sur la place de Louvois.

Joseph. — Oui, monsieur. Monsieur remarquera l’espagnolette. L’espagnolette ne va pas, mais j’ai prévenu le serrurier, il doit venir l’arranger !

Rasanville. — Merci, mon ami. (Ecrivant.) Tapisseries anciennes. Le style général de la pièce est… (À Joseph.) Louis XV ou Louis XVI ?…

Joseph. — Oh !… mettez les deux louis.

Rasanville. — Voyons… les objets d’art. Pas beaucoup de tableaux ici. Ah ! de qui, celui-là ?

Joseph. — Ah ! attendez, monsieur… c’est Hobbéma ou Abbéma…

Rasanville. — Ah ! ah !

Joseph. — Enfin, je sais que c’est une femme !

Rasanville. — Ah ! bon !… (Ecrivant.) Hobbéma

Joseph. — Oui.

Rasanville. — Ah ! maintenant… (Apercevant une chancelière sous le bureau.) Ah ! tiens !… (Appelant comme on appelle un chien.) bss ! bss !

Joseph. — Qu’est-ce qu’il y a ?

Rasanville. — Est-ce qu’il est farouche ?

Joseph. — Qui ?

Rasanville. — Ce chien ?

Joseph. — Ce n’est pas un chien, c’est une chancelière

Rasanville. — Oh ! pardon !

Joseph, à part. On n’est pas myope comme ça !

Rasanville, à part. — Ah ! tiens ! tiens !… En attendant madame Paginet, si je profitais un peu de ce domestique pour l’interroger un peu sur elle ! (Haut.) Voyons, mon ami, vous pouvez m’être d’une grande utilité. Vous n’ignorez pas que vous êtes au service d’une personnalité très en vue. Eh bien ! vous pourriez me donner quelques détails sur elle. Quel genre de personne est-ce ?

Joseph. — Quel genre de personne ? Ah ! monsieur je n’ai qu’à me louer. C’est ce qu’on appelle une bonne nature,… un peu maniaque. Tout le monde a ses petits travers !… mais vous savez, là, un bon garçon !

Rasanville. — Pas du tout femme, alors ?

Joseph. — Ah ! bien, par exemple ! (Voix de Paginet.) Tenez !… vous allez en juger par vous-même. Je l’entends.

Rasanville, à part. — Ah c’est madame Paginet.

Joseph sort par le fond.