Page:Feydeau - Théâtre complet IV (extraits), 1995.djvu/30

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veux pas qu’elle puisse se dire, un jour : "mon fils n’a pas fait son devoir."

Germaine, avec douleur. — Non ! non !

René. — Et vous-même, Germaine, quand vous me suppliez, vous n’écoutez que votre sentiment qui vous égare. Mais oui, vous ne réfléchissez pas. Et plus tard, quand l’angoisse du moment sera passée, quand vous serez calmée, quand le raisonnement vous reviendra, vous serez la première à me dire : "René, vous avez bien agi ! " Ah ! Tenez, tenez, si je cédais à vos prières, quelle opinion auriez-vous de moi ?

Germaine, avec effort. — René ! faites votre devoir !

René, avec élan. — Ah ! je savais bien que vous étiez un brave !

Germaine. — Non ! je n’étais qu’une égoïste. Je ne pensais qu’à moi ! allez, mon cher époux ! et que Dieu vous protège !

René, d’un mouvement brusque l’étreint dans ses bras, il serre la tête de Germaine contre sa poitrine et la regarde un temps dans les yeux avec amour, puis lui donne un long baiser sur les yeux en lui murmurant. — Je t’aime ! (après quoi, il s’arrache à son étreinte.) Adieu ! (il sort brusquement.)

Germaine, subitement. — René ! (René s’arrête. Germaine faisant un effort sur elle-même.) Non ! va ! va !


Scène VII

Germaine, seule, elle tombe sur le fauteuil. — Parti ! Il est parti ! Oh ! non ! c’est trop, je sens que mon cœur se brise. C’est mon fiancé qui s’en va… Oh ! Dieu ! Dans un instant, ils vont être aux prises et peut-être !… Oh ! non, non, quelle idée, c’est impossible, je ne le veux pas ! je ne le veux pas ! Oh ! pourquoi l’ai-je laissé partir… Je crois que j’en mourrai… Ciel ! sa mère ! Ah ! Dieu, mais c’est au-dessus de mes forces ! (Elle fait un effort sur elle-même, s’essuie rapidement les yeux et attend Madame de Sorges d’un air qu’elle s’efforce de rendre calme.)