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ÉPREUVES MATERNELLES

— Je ne suis pas malade…

— Alors, soyez moins maussade, je ne veux pas être traité de bourreau.

Denise sortait brisée de ces scènes. Elle eût aimé quitter sa maison durant quelques semaines, être seule avec ses enfants, s’éloigner de l’espionnage incessant de Mme Zode.

Cette dernière, avec son air doucereux, la surveillait étroitement. Elle désirait la bannir totalement de la vie de Paul, car l’ambition croissait en elle.

Voyant qu’il la traitait durement, elle pensa que rien ne serait plus facile que d’anéantir peu à peu les derniers liens qui rattachaient les deux époux. Elle connaissait la violence aveugle de Domanet et son entêtement. Quand une idée s’ancrait dans son esprit, il était rare qu’il l’abandonnât.

C’était une force qu’il fallait utiliser. Maintenant qu’il se croyait devenu plus puissant de par sa position dans un monde supérieur, ses défauts s’exaspéraient. Il ne voulait même plus convenir devant sa femme que c’était grâce à elle que ses salons avaient tant de vogue.

La cousine Zode emmagasinait ces nuances et elle sentait que Paul était humilié de devoir quoi que ce fût à Denise. C’était un sentiment à exploiter.

Elle eût aimé suggérer à Denise d’aller chez son frère. Ce serait la catastrophe qui déchaînerait les foudres. Elle était sûre du résultat : le royaume lui eût appartenu.

Elle rêvait de diriger ce bel intérieur, d’en réduire les abus, de réprimer les dépenses et surtout d’élever les enfants plus sévèrement.

Comme elle les détestait ces deux petits qui vivaient comme des jeunes princes avec des serviteurs à leurs ordres.

Mais cette tâche occulte était difficile. Malgré son talent, elle ne parvenait pas à se faire écouter de Denise. En vain essayait-elle de toutes les prévenances, de tous les stratagèmes, la jeune femme résistait à ses menées.

Elle la craignait toujours davantage, sachant ses yeux d’argus, toujours braqués sur elle.

Cependant, il arriva que Madame Zode dut s’absenter trois jours.

Denise fut heureuse de cette trêve. Il lui semblait