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ÉPREUVES MATERNELLES

pourrais-je être cruelle, quand Rita pleure durant des heures en appelant Madame.

— Elle m’appelle, elle pleure, murmura Denise comme si elle se mourait.

— Que l’attitude de monsieur est triste et inconcevable ! j’ai revu la femme de chambre de madame et nous espérons que l’ancien temps reviendra. Nous soupçonnons que tout le mal vient de Mme Zode qui était si méchante… Elle en est bien punie aujourd’hui. Mais nous rendons bien justice à Madame… tout le monde sait qu’elle ne peut rien commettre de mal.

— Merci, articula Denise, dont toute la force réactive était usée.

Reconnaître soudain la nurse alors qu’elle ne s’y attendait pas, lui avait causé un choc nerveux, et elle pouvait à peine se soutenir.

Penser qu’elle allait revoir ses deux mignons, alors qu’elle était sortie avec un espoir si lointain, si brumeux, lui faisait éprouver une sensation qui la brisait.

La nurse se montrait pourtant bien indécise. Paul Domanet la payait bien, pour son silence et ses soins. Perdre cette situation lui était pénible. Elle savait que son maître n’admettrait aucune excuse quand il apprendrait la transgression d’ordres précis. Chacun savait que les sanctions étaient sévères.

D’autre part, il lui paraissait monstrueux, de refuser à Mme Domanet cette joie vitale, cette compensation due à tant de souffrances imméritées.

— Madame, formula-t-elle, en vous obéissant, je risque ma place. Cela me peine parce que je suis attachée aux enfants. Je pourrai facilement retrouver une autre situation, mais je voudrais être tenue au courant de ce qui surviendra. En échange du sacrifice que je fais, puis-je espérer que Madame me donnera de ses nouvelles ?

Denise promit.

— Je vais donc conduire Madame, et je m’en irai tout de suite après. Je ne veux pas subir de scène de la part de monsieur… Je remettrai les enfants entre vos mains, et ensuite, que Dieu vous aide, Madame.

La jeune femme fut parcourue d’un frisson. La