Page:Fiel - Le Sacrifice et l'Amour, paru dans l'Écho de Paris du 3 février au 7 mars 1934.djvu/98

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tandis que sa fille inclinait à haïr cette indépendance qui lui volait une mère.

Les deux jeunes filles se promenaient ensemble et leurs entretiens devenaient graves.

Bertranne se ressentait de la fatigue de son examen, et, de plus, son amie la jugeait plus concentrée.

— Je ne te retrouve pas complètement, lui confia-t-elle un jour.

— Et toi, riposta Bertranne, crois-tu être la Christiane de l’an passé ? Non… tu erres comme une sorte de postulante, avec ta robe plus que simple et ton visage dévasté… Tu cherches ta voie… Tu as une peine au cœur et cela t’alourdit. Et moi, je serais si heureuse si je n’aimais pas ! Je préparais ma vie tranquillement, je travaillais avec joie, mais « Il » est venu… Au lieu de jouir de mes vacances, je languis… Et toi, qui étais aimée, tu ne t’en soucies pas !

— Tu te trompes.

— Je me demande en quoi ? Tu as éloigné systématiquement le bonheur, et moi, je l’appelle en vain, car à nos âges, le bonheur, c’est l’amour…

— Il y a autre chose : le bien.

— Oui… mais il faut ta belle âme. Dis-moi, à quel moment n’a-t-on plus de rêves ?

— Jamais… Quand on est vieux et qu’on a tout vécu, on rêve d’être jeune.

— Pour recommencer ses tortures ! On est bête à crier.

Un silence tomba entre les deux promeneuses, puis Bertranne reprit :

— Te doutes-tu, Christiane, que si