Page:Fiel - Trop belle, 1926.djvu/72

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— Nous regrettons de ne pas vous avoir parmi nous.

— Vous viendrez après dîner.

— C’est entendu. Au revoir !

La mère et la fille s’en allèrent.

Madame Foubry, sitôt hors des oreilles de Madame Bullot annonça à Sylviane :

— Sais-tu qui j’ai aperçu avec Luc Saint-Wiff ? eh ! bien, Annette Logral. Ils avaient l’air de s’entendre à merveille. Cette petite est gentille d’ailleurs et c’est tant mieux pour elle, si elle plaît à ce monsieur, mais je suis déçue, il me semblait que tu lui convenais mieux ; tu ne dis rien, tu es pâle, tu souffres ?

— Non répondit Sylviane avec peine, il a fait très lourd aujourd’hui, et cela m’a incommodée.

— Tu ne te promènes plus assez, tu aurais dû aller avec cette bande.

— Je me sens si vieille auprès de cette jeunesse, murmura Sylviane en frissonnant.

— Tu es plus jeune que Saint-Wiff toujours !

— Mère, s’écria soudain Sylviane, je ne veux plus de cette vie sans but. Dès que nous rentrerons de Vichy, je veux travailler, chercher une situation, avoir une vie libre, indépendante, ne plus être tributaire d’une foule de préjugés qui m’enserrent. C’est stupide, quand on est une fille intelligente, de suivre ses parents à la remorque en attendant le mari problématique. Je rougis de moi de vous être à charge.

Madame Foubry, dans sa surprise, laissa d’abord sa fille parler, puis quand elle s’arrêta, posément, elle dit :

— Ma petite enfant, je comprends que ton destin te semble dur, mais songe à la peine que nous aurions de te voir forcée, pour vivre, à quelque emploi, nous qui t’avons élevée pour une existence facile.

— C’est un tort, murmura Sylviane.

— Les événements nous ont trahis, mais ils s’annonçaient bien, tu aurais pu te marier, déjà.

— Abdiquer toute fierté, presque me vendre ! cela jamais ! je suis digne d’être aimée pour moi-