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fussent. Elle lui dit que son frère lui donnoit l’exemple de la fermeté ; que, sans éprouver une douleur qu’on pût comparer à la sienne, il en ressentoit pourtant une très-vive, mais qu’il savoit la contenir dans de justes bornes, et se résigner à la volonté divine.

« Ne me parlez pas de mon frère, s’écria mistress Blifil, je suis la seule à plaindre. Peut-on comparer les alarmes d’un ami aux angoisses d’une femme, en pareille circonstance ? Ah, il est mort ! on l’a assassiné ! je ne le verrai plus ! » À ces mots un déluge de pleurs opérant sur elle le même effet que la consternation avoit produit sur M. Allworthy, elle garda un morne silence.

Au même instant un domestique accourut, hors d’haleine, et annonça qu’on avoit trouvé M. Blifil. Avant qu’il pût en dire davantage, il fut suivi de deux autres qui apportoient, sur un brancard, le corps du capitaine.

On peut observer ici un nouveau contraste dans les effets de la douleur. Nous avons vu M. Allworthy perdre la parole, par la même cause qui avoit excité les bruyantes exclamations de mistress Blifil ; le spectacle actuel fit couler en abondance les larmes du frère, et tarit subitement celles de la sœur : elle poussa un grand cri et s’évanouit.

La salle se remplit bientôt de domestiques :