Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/182

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— Eh mais ! monsieur, reprit Blifil, ne vous a-t-il pas dit qu’il chassoit seul, lorsqu’il tua la perdrix ? il sait pourtant bien, car il m’en a fait l’aveu, que Black Georges, le garde-chasse, étoit avec lui. Il m’a dit de plus, oui, vous m’avez dit, menteur, niez-le si vous l’osez, vous m’avez dit que vous n’auriez pas avoué la vérité, quand notre maître vous auroit écorché vif. »

À ces mots, le feu étincela dans les yeux de Thwackum. « Oh ! oh ! s’écria-t-il en triomphe, voilà donc votre notion de l’honneur ! voilà l’enfant qu’il ne falloit pas fouetter une seconde fois ! »

M. Allworthy, d’un air plus doux, se tourna vers Tom, et lui dit : « Est-ce vrai, mon ami ? Comment avez-vous pu soutenir un mensonge, avec tant d’obstination ?

— Monsieur, répondit Tom, personne ne hait plus que moi le mensonge. Mais je me suis cru obligé, par honneur, d’agir comme j’ai fait. J’avois promis à Georges de ne point le nommer ; je devois d’autant plus lui tenir parole, qu’il m’avoit prié de ne pas mettre le pied sur la terre de votre voisin, et qu’il n’y étoit entré lui-même, qu’en cédant à mes instances. Voilà toute la vérité. Vous me voyez prêt à en faire le serment. Ayez pitié, je vous en conjure, de ce malheureux et de sa famille. Je suis le seul coupable. Ce n’est qu’avec beaucoup de peine, que je l’ai déterminé