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qu’à en vendre un autre ; aucune loi divine ni humaine n’interdisoit la vente des bibles : partant, l’action de Tom ne blessoit en rien la convenance des choses. Il dit à Thwackum que sa grande colère, en cette occasion, lui rappeloit l’histoire d’une dévote qui, par un pur zèle de religion, vola un jour les sermons de Tillotson à une femme de sa connoissance.

Cette anecdote fit monter le rouge au visage du théologien qui n’étoit pas naturellement des plus pâles, et il se préparoit à une réplique vigoureuse, lorsque mistress Blifil, présente au débat, s’interposa entre les deux champions. Elle se rangea de l’opinion de M. Square, qu’elle appuya de doctes arguments, et finit par dire que si Tom étoit coupable, la vérité l’obligeoit de convenir que son fils ne l’étoit pas moins ; car elle ne voyoit aucune différence entre les vendeurs et les acheteurs, qui avoient mérité également d’être chassés du temple.

L’avis de mistress Blifil termina la dispute. Le triomphe de Square lui causa un accès de joie qui le rendit incapable de proférer un seul mot. Thwackum se tut, étouffant presque de rage, et n’osant parler, de crainte de déplaire à la dame qu’il avoit, comme on l’a vu, intérêt à ménager. M. Allworthy dit que la punition infligée à l’enfant le dispensoit d’exprimer son sentiment ; mais