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cles, connoissent parfaitement le secret d’éveiller l’attention du public. Au tintamarre musical qui annonce l’approche du héros, ils ont coutume de joindre une troupe de gardes chargés de précéder sa marche : cortége indispensable, comme on le verra par l’anecdote suivante, tirée de l’histoire des coulisses.

Un jour, le roi Pyrrhus dînoit dans une taverne voisine du théâtre, lorsqu’on vint le chercher pour remplir son rôle. Le héros, qui ne vouloit point laisser là une excellente épaule de mouton, ni s’exposer par un retard à la colère du directeur, s’étoit avisé de gagner sous main son escorte, et de la disperser adroitement. Cette ruse eut un plein succès. Tandis que le directeur crioit d’une voix de Stentor : « Où sont les gardes qui doivent marcher devant le roi Pyrrhus ? » le monarque acheva tranquillement son épaule de mouton, et l’auditoire impatient fut obligé de se contenter, en l’attendant, de l’insipide musique de l’orchestre.

Enfin les politiques, esprits déliés et subtils, semblent avoir aussi senti l’avantage de cette espèce de charlatanerie. Nous sommes convaincu que notre vénérable magistrat, le lord-maire, doit une bonne partie du respect qu’on lui témoigne pendant l’année de sa charge, à la solennité de son installation. Nous-mêmes, il faut l’avouer, quoique peu sujet à être dupe de l’apparence,