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réponse, il saute à terre, laisse aller son cheval à l’aventure, franchit le mur du cimetière et vole au secours de sa maîtresse. Molly qui n’avoit pas versé jusque-là une larme, en répand alors un torrent ; elle raconte à son amant avec quelle barbarie on l’a traitée. Tom indigné, oublie le sexe de la Brown, ou peut-être ne le distingue-t-il point ; car il n’en reste d’autre indice qu’un jupon en lambeaux. Dans sa rage, il lui applique un ou deux coups de fouet, puis s’élançant sur l’insolente populace, que Molly lui a dénoncée tout entière, il frappe indistinctement et de si grand cœur, qu’à moins de recourir encore une fois à notre Muse, ce qui seroit inhumain, après la fatigue que nous lui avons déjà causée, il nous seroit impossible de compter les innombrables coups qu’il distribua, dans cette journée mémorable.

Ayant balayé d’ennemis le champ de bataille, avec la vigueur d’un héros d’Homère, de don Quichotte, ou du plus brave des chevaliers errants, il retourne près de Molly, qu’il trouve dans un état dont la peinture ne seroit pas moins pénible à nos lecteurs qu’à nous-mêmes. À cette vue, sa raison s’égare, il se frappe la poitrine, s’arrache les cheveux, bat du pied la terre, et jure de tirer la plus terrible vengeance des ennemis de son amante. Après ces premiers transports, il se dé-