Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/277

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’observer d’un ton magistral, qu’il aimoit mieux voir une fille trop modeste, que trop hardie : remarque à laquelle le ministre applaudit.

Après la retraite de Sophie, l’écuyer et M. Supple eurent ensemble un docte entretien. Les gazettes et les pamphlets politiques leur en fournirent la matière. Tout en discourant, ils firent une libation de quatre bouteilles de vin, à la prospérité de l’Angleterre. M. Western ayant fini par s’endormir, le ministre alluma sa pipe, monta à cheval, et s’en retourna chez lui.

Quand l’écuyer eut achevé sa méridienne, il fit prier sa fille de venir lui jouer du clavecin. Elle s’en excusa sur un violent mal de tête ; il n’insista point. Sophie avoit rarement besoin de solliciter deux fois sa complaisance. Il l’aimoit si passionnément, qu’en contentant ses désirs, il se procuroit à lui-même la plus vive satisfaction. Sophie étoit bien, comme il l’appeloit souvent, sa petite mignonne, l’enfant de son cœur, et elle méritoit ces doux noms, par le retour dont elle payoit sa tendresse. Toujours soumise aux moindres volontés de son père, l’amour filial lui rendoit sa déférence aussi agréable que facile. Quelqu’une de ses compagnes la railloit-elle sur l’importance qu’elle sembloit attacher à une obéissance si scrupuleuse ? « Vous auriez tort, lui disoit-elle, de croire que j’en tire vanité. Je ne fais