Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/320

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a osé dire devant moi au voisin Allworthy, que ta blessure étoit une punition du ciel. Dieu me damne ! ai-je répondu, comment est-ce possible ? Ne s’est-il pas cassé le bras en secourant ma fille ? Une punition du ciel ! Tudieu ! s’il ne fait jamais rien de pis, il ira plus droit en paradis que tous les curés du canton ; et il a, certes, plus lieu de se glorifier de sa conduite que d’en rougir.

— En vérité, monsieur, répondit Jones, je n’ai lieu ni d’en rougir, ni d’en tirer vanité ; mais si j’ai eu le bonheur d’être utile à miss Western, je mettrai toujours ma blessure au nombre des plus heureux événements de ma vie.

— Le misérable ! vouloir te brouiller pour cela avec Allworthy ! Dieu me damne ! si je n’avois respecté son habit, je l’aurois assommé sur la place ; car vois-tu, mon garçon, je t’aime de toute mon ame, et il n’y a rien au monde que je ne sois prêt à faire pour toi. Choisis, dès demain matin, parmi tous les chevaux de mon écurie celui qui te plaira davantage. Je n’en excepte que deux, le Chevalier et la Paysanne. »

Jones le remercia et n’accepta point son offre.

« Demande même, si tu le veux, la jument alezane que montoit Sophie le jour de sa chute. Elle me coûte cinquante guinées, et prendra six ans aux herbes.