Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/356

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contre inattendue… ma surprise… mon émotion… au nom du ciel, pardonnez-moi si je vous ai offensée ; je n’en avois pas l’intention ; j’aimerois mieux mourir mille fois !

— Vous m’étonnez. Comment pouvez-vous croire que vous m’ayez offensée ?

— La crainte, mademoiselle, trouble aisément la raison, et je ne connois point de crainte égale à celle de vous déplaire… Comment puis-je, comment dois-je parler ? Ah ! de grace, adoucissez ce front sévère ! le moindre signe de votre colère suffiroit pour m’anéantir… je n’ai point eu l’intention… si je suis coupable, accusez-en mes yeux, ou plutôt accusez-en vos charmes… que dis-je ? Ah ! je m’égare, mon cœur ne peut contenir l’excès de mon amour… Sophie ! pardonnez-moi ; j’ai combattu jusqu’à la dernière extrémité ; je me suis efforcé long-temps de vous cacher la flamme qui me dévore, et qui me réduira bientôt, je l’espère, à l’impuissance de vous offenser jamais. »

Jones, en achevant ces mots, fut saisi d’un tremblement pareil au frisson de la fièvre. L’agitation de Sophie n’étoit guère moindre. « Monsieur Jones, lui dit-elle, je n’affecterai pas de ne vous point comprendre, je vous comprends trop bien ; mais, au nom du ciel, si vous avez pour moi quelque affection, souffrez que je retourne au