Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/375

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point l’ennemi le plus inférieur en force, un sage médecin ne méprise pas non plus la maladie la moins grave en apparence. Le premier établit une sévère discipline, place avec soin ses sentinelles, ne relâche rien de sa vigilance, quelle que soit la foiblesse de son adversaire ; le second n’oublie pas de composer son maintien, de prendre une physionomie grave, de secouer la tête d’un air d’importance, quelque légère que soit la maladie ; et tous deux, parmi une foule de raisons propres à justifier leur conduite, peuvent en alléguer une excellente, c’est que par là le triomphe devient plus glorieux, et le manque de succès, moins humiliant.

M. Allworthy n’eut pas plus tôt remercié le ciel de l’heureux changement survenu dans sa position, que Blifil s’avança vers lui, l’air consterné, son mouchoir sur les yeux pour essuyer ses pleurs, ou pour en faire le semblant, comme Ovide[1] le conseille dans un autre cas,

Soit qu’il en coule, ou non, essuyez-les toujours,

et lui apprit ce que le lecteur sait déjà.

M. Allworthy reçut la nouvelle avec douleur et résignation ; il laissa échapper une larme, puis reprenant bientôt sa sérénité ordinaire, il s’écria :

  1. Si nullus erit, tamen excute nullum.Ovide.