Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/382

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connoître et à réparer ses torts, il tendit la main à son camarade, en signe d’amitié, le priant de l’excuser, si l’excès de joie que lui causoit la convalescence de M. Allworthy, avoit banni de son esprit toute autre pensée.

Blifil repoussa dédaigneusement sa main, et lui répondit avec indignation : qu’il n’étoit pas surprenant que les spectacles les plus tragiques fussent sans effet sur des aveugles ; que pour lui, ayant le malheur de connoître ses parents, il devoit être sensible à leur perte.

Jones, malgré la bonté de son naturel, étoit tant soit peu irascible. Il se leva en colère, et saisissant Blifil au collet : « Misérable ! s’écria-t-il, oses-tu bien insulter au malheur de ma naissance ? » Il accompagna cette apostrophe de gestes si violents, que le phlegmatique Blifil perdit patience. Aussitôt commença entre eux un combat qui auroit pu devenir sérieux, sans l’intervention de Thwackum et du docteur. Square, que la philosophie rendoit supérieur aux émotions de l’humanité, continua de fumer sa pipe, comme il avoit coutume de faire dans toutes les disputes où il ne craignoit rien pour lui-même.

Les deux champions réduits à l’impuissance de recourir à une vengeance immédiate, se dédommagèrent de cette contrainte par un torrent d’injures et de menaces, nouvelle espèce de lutte dans