Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/386

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mer ; elle ne trouveroit en moi qu’indifférence et froideur. Sophie, Sophie seule est mon idole. Quel enchantement dans ce nom ! je veux le graver sur tous ces arbres ! »

À ces mots, il se lève et aperçoit, non sa Sophie, non une jeune Circassienne, richement parée pour le sérail du grand-seigneur, mais une simple paysanne, vêtue d’une jupe de toile grossière, baignée de sueur, une fourche de fer à la main, enfin Molly Seagrim. Notre héros, armé de son couteau, s’apprêtoit à graver sur l’écorce des arbres le nom chéri de Sophie, quand Molly s’approchant de lui : « Monsieur, lui dit-elle en souriant, vous n’avez pas envie, j’espère, de me tuer ?

— Pouvez-vous, lui répondit Jones, me supposer un pareil dessein ?

— En effet, reprit Molly, après la manière barbare dont vous m’avez traitée la dernière fois que je vous ai vu, la mort est un bienfait que je ne dois pas attendre de vous. »

Ce reproche amena un dialogue que nous croyons pouvoir omettre. Il suffira de dire qu’il se prolongea l’espace d’un bon quart d’heure, au bout duquel les deux interlocuteurs s’enfoncèrent ensemble dans l’épaisseur du bois.

Quelque invraisemblable que paroisse le fait, il est certain, et de plus assez facile à expliquer.