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évanouissement. Elle jeta un cri d’alarme qui fut à l’instant répété par deux ou trois personnes. On entendit retentir ces mots : « Miss Western se meurt ! vite de l’eau fraîche ! des sels ! »


Jones se plonge dans le ruisseau et arrose d’une onde pure son amante évanouie.

On peut se souvenir que dans la description du bois où se passoient ces grands événements, nous avons fait mention d’un ruisseau qui fuyoit, en murmurant, sous le feuillage. Notre ruisseau ne ressembloit pas à ces sources insipides, qu’on voit figurer dans les romans vulgaires, sans autre effet que d’étourdir l’oreille du lecteur d’un vain bruit. Non, la fortune lui gardoit plus d’honneurs, qu’à aucun de ceux qui baignoient les riants vallons de l’Arcadie.

Jones frottoit les tempes de Blifil, à qui il craignoit d’avoir donné un trop rude coup, lorsque ce cri funeste : « Miss Western se meurt ! » vient le glacer d’effroi. Il se relève aussitôt, abandonne Blifil à son sort, vole au secours de Sophie, et tandis que les autres parcourent en vain d’arides sentiers, pour y chercher de l’eau, il la prend dans ses bras, la porte à la hâte au ruisseau, s’y plonge, et arrose abondamment d’une onde pure le visage, la tête et le cou de son amante évanouie.

Par bonheur pour Sophie, le même désordre qui empêchoit ses amis de la secourir, les empêcha aussi d’arrêter Jones dans sa course. Il étoit à moitié chemin, qu’ils ignoroient encore ce qu’il