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Quelques traits de ce discours étoient de nature à blesser M. Allworthy, s’il y eût prêté une oreille attentive ; mais il avoit, en ce moment, un de ses doigts engagé dans la main de l’enfant, qui, par une douce pression, sembloit implorer son secours, et ce muet langage auroit prévalu sur l’éloquence de mistress Déborah, eût-elle été dix fois plus grande. M. Allworthy enjoignit à la gouvernante d’emporter l’enfant, de le mettre dans son propre lit, et de faire lever une servante pour lui préparer de la bouillie, et ce dont il auroit besoin en s’éveillant. Il commanda aussi qu’on le pourvût le lendemain matin, de bonne heure, des vêtements nécessaires, et qu’on le lui apportât à son lever.

Mistress Wilkins avoit du discernement, et beaucoup de respect pour son maître ; elle occupoit d’ailleurs dans la maison une excellente place. L’ordre positif qu’elle reçut fit taire à l’instant ses scrupules ; elle prit l’enfant entre ses bras, sans témoigner la moindre aversion pour l’illégitimité de sa naissance ; elle dit que c’étoit une charmante petite créature, et l’emporta dans sa chambre.

M. Allworthy se livra ensuite au doux repos que goûte un homme dévoré de la soif de faire du bien, quand son cœur est pleinement satisfait. Il n’y a peut-être point au monde de som-