Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et il étoit doué d’un tact sûr pour les discerner. Quoiqu’il eût été privé, dans sa jeunesse, des secours d’une éducation soignée, les heureuses dispositions qu’il tenoit de la nature, perfectionnées par l’étude tardive, mais passionnée des lettres, et par le commerce des gens instruits, l’avoient mis en état de juger pertinemment de presque tous les genres de littérature.

On ne s’étonnera pas que, dans un siècle, qui estime si peu et récompense si mal les gens de mérite, ils se rendissent avec empressement dans une maison, où ils étoient sûrs de trouver un accueil obligeant, et de participer à toutes les jouissances de la fortune, comme s’ils y avoient eu des droits personnels. M. Allworthy n’étoit pas de ces généreux patrons, toujours prêts à donner à de pauvres auteurs le vivre et le couvert, et qui n’exigent d’eux en retour, que de l’amusement, de l’instruction, des louanges, une entière soumission à leur volonté, en un mot, la complaisance de s’enrôler au nombre de leurs valets, en leur épargnant toutefois l’humiliation de la livrée et des gages.

Chez lui, chacun étoit maître absolu de son temps, et pouvoit satisfaire tous ses goûts, pourvu qu’ils n’offensassent ni la religion, ni les mœurs, ni les lois. Éprouvoit-on quelque légère indisposition, un besoin de sobriété, ou d’absti-