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CHAPITRE III.

geste même. Nous ignorons ce qui offensa le plus mistress Western, de cette menace, ou du mépris de sa politique. Elle sortit, transportée de fureur, en proférant des paroles que nous n’oserions répéter. Son frère et sa nièce ne songèrent ni à l’arrêter, ni à la suivre : tous deux demeurèrent immobiles, l’un en proie à la douleur, l’autre à la rage.

Cependant l’écuyer n’oublia pas de saluer sa sœur du même cri que les chasseurs ont coutume de pousser, au moment où un lièvre sort de son gîte, et fuit devant les chiens. Il excelloit dans cette espèce de musique sauvage, et savoit en varier les tons avec un art infini, suivant les circonstances.

Une femme qui eût été formée, comme mistress Western, à l’école du monde et de la politique, auroit profité sur-le-champ de la disposition d’esprit où étoit l’écuyer, en le flattant adroitement aux dépens de son adversaire absente. Mais la pauvre Sophie étoit la simplicité même. Qu’on ne s’y trompe point : simplicité ne doit pas se prendre ici, comme on le fait d’ordinaire, dans le sens de bêtise. Sophie étoit au contraire pleine de raison et de jugement ; elle manquoit seulement de cette adresse dont les femmes savent tirer, en maintes occasions, un si utile parti, et qui provenant moins de la tête que du cœur,