Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/168

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borda et lui dit : « Ami, je m’aperçois que tu as perdu ton chemin. Si tu m’en crois, tu n’essaieras pas de le retrouver ce soir. Tu pourrois t’égarer dans l’obscurité de la nuit. Et puis, il s’est commis ces jours derniers plusieurs vols, entre ce village et Bristol. Tout près d’ici est une excellente hôtellerie où tu trouveras un bon gîte, pour toi et pour tes chevaux. » Jones se laissa persuader aisément d’y passer la nuit, et suivit les pas de son nouvel ami.

L’hôte, homme fort civil, pria Jones d’excuser la mauvaise réception qu’il se voyoit obligé de lui faire. Sa femme étoit sortie, lui dit-il ; elle avoit presque tout enfermé, et emporté les clefs avec elle. Le fait est qu’une de ses filles, qui venoit de se marier, avoit quitté le matin la maison paternelle, pour aller s’établir chez son mari, et que de concert avec sa mère, elle avoit à peu près dépouillé le pauvre homme de tous ses effets, ainsi que de son argent ; car bien qu’il eût plusieurs enfants, sa femme n’aimoit que cette fille, et l’aimoit si passionnément, qu’elle lui auroit sacrifié de bon cœur le reste de sa famille, et son mari par-dessus le marché.

Jones, dans la disposition d’esprit où il étoit, ne se sentoit nul goût pour la société. Il auroit mieux aimé être seul. Cependant il ne put résister aux importunités de l’honnête quaker, qui, frappé