Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/342

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Sans crainte et tout entier ramassé sur lui-même,
Tel qu’un globe parfait, que nulle aspérité
Sur un plan bien uni ne retient arrêté,
Il ne présente point de prise à la fortune[1].

« La mort de mon excellent père produisit dans ma situation un grand changement. Mon frère, devenu maître de la maison, avoit un caractère et des goûts si opposés aux miens, que nous étions, l’un pour l’autre, la pire des sociétés. Ce qui mettoit le comble au désagrément de nos relations journalières, c’étoit le défaut complet d’harmonie entre le peu d’amis que j’aimois à voir, et la nombreuse troupe de chasseurs qu’il invitoit souvent à sa table. Ces rustres, non contents de fatiguer l’oreille des gens sensés par de bruyantes sottises, se plaisent encore à leur prodiguer l’insulte et le mépris. Mes amis et moi nous avions sans cesse à essuyer de leur part de sottes plaisanteries, sur notre manque d’intelligence des termes de la chasse. Les véritables savants pardonnent volontiers l’ignorance. Les petits esprits infatués de leur habileté dans un art futile, sont pleins de dédain pour ceux qui ne le possèdent pas.

« Enfin je me séparai de mon frère. Les mé-

  1. Fortis, et in seipso totus teres atque rotundus,
    Externi ne quid valeat per læve morari :
    In quem manca ruit semper fortuna.
     »Horace.