Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/332

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que Jones avoit reçu ce billet. Sans donner dans les munificences banales du siècle, telles que des fondations d’hôpitaux, d’écoles gratuites, etc., lady Bellaston n’étoit pas entièrement dépourvue de charité chrétienne. Elle pensoit, avec grande raison, qu’un jeune homme de mérite qui ne possédoit pas un schelling, étoit bien digne qu’on réparât envers lui les rigueurs de la fortune.

M. Jones et M. Nightingale avoient été invités à dîner ce jour-là chez leur hôtesse. À l’heure marquée, ils se réunirent au salon avec les deux jeunes filles, et attendirent la bonne mistress Miller depuis trois heures jusqu’à près de cinq. Elle étoit allée faire une visite, hors de la ville, à une de ses parentes. À son retour, elle leur dit : « J’espère, messieurs, que vous m’excuserez de vous avoir fait attendre ; et je n’en puis douter, quand vous saurez le motif qui m’a retenue. J’ai été voir à six milles d’ici une de mes cousines qui vient d’accoucher… Quelle leçon ! dit-elle en regardant ses filles, pour les personnes tentées de faire des mariages imprudents ! Il n’y a point de bonheur en ce monde, lorsqu’on manque du nécessaire. Ô Nancy ! comment vous peindrai-je la situation déplorable où j’ai trouvé votre pauvre cousine ? À peine accouchée depuis une semaine, elle étoit, par ce temps rigoureux, dans une chambre mal close, sans rideaux à son lit, sans