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— En vérité, mademoiselle, vous ne pouviez me prendre plus au dépourvu. Je suis forcée de convenir qu’il ne me reste qu’un morceau de bœuf froid, que le domestique d’un voyageur et son postillon ont presque attaqué jusqu’à l’os.

— Fi donc ! quelle horreur ! quand j’aurois jeûné pendant un mois, je ne mangerois pas d’un plat où de pareilles gens ont mis leurs doigts. N’y a-t-il donc rien dans ce détestable gîte, qu’on puisse offrir à une honnête personne ?

— Voudriez-vous, mademoiselle, des œufs et du jambon ?

— Vos œufs sont-ils bien frais ? Êtes-vous sûre qu’ils soient pondus d’aujourd’hui ? Ayez soin de couper le jambon proprement et en tranches bien minces. Je ne puis souffrir les gros morceaux. Allons, tâchez de montrer une fois en votre vie un peu d’adresse et d’intelligence. Ne vous imaginez pas que vous ayez affaire à une fermière, ou à quelque créature de cette espèce. »

L’hôtesse prit alors son couteau. « Bonne femme, dit l’autre en l’arrêtant, commencez, je vous prie, par vous laver les mains. Le manque de propreté me répugne, j’ai le goût délicat, il me faut en tout une certaine recherche, j’y ai été accoutumée dès le berceau. »

L’hôtesse qui se contraignoit pour ne point éclater, veilla sur le feu et mit elle-même le cou-